« Punk is not dead ! ». Voilà le credo de Bobo, Klara et leur nouvelle copine Hedvig, trois copines de 13 ans qui s’ennuient ferme dans leur petite vie de collégienne.
Punk attitude
A Stockholm, en 1982, plus qu’ailleurs peut-être à cause du succès d’ABBA, le disco s’était imposé avec ses couleurs fluo, sa boule à facettes et ses rythmes chaloupés.
Il n’en faut pas plus pour que Bobo et Klara les deux meilleurs amies du monde, entrent en résistance : les cheveux en crête (enfin presque), elles jouent la provoc’ à haute dose, jouent avec les nerfs de leurs parents trop occupés, découvrent les fêtes, le vin, la bière et finissent, contre toute attente, par monter un groupe de rock trash… sans savoir jouer d’aucun instrument.
So 1980’s
Adapté de la BD « Never goodnight », écrite par sa femme, le film de Lukas Moodysson est une tranche de vie de trois adolescentes en 1982, une époque sans portable, sans ordinateur, sans facebook, où pour se voir, on traînait ensemble dans la rues, dans les fêtes après avoir monopolisé le téléphone familial pendant des heures.
Une époque où l’autorité se contestait frontalement mais où l’espoir était encore de mise et la discussion (très présente ici), la meilleure façon d’exister, seul ou à plusieurs.
De Lukas Moodysson, avec Mira Barkhammar, Mira Grosin, Liv Lemoyne…
Depuis que son duo musical a pris fin, Llewyn Davis, un guitariste et chanteur folk, tourne en rond. Sans argent (son album solo n’a pas marché), il se produit toujours dans le même bar du Village à New York (on est au début des années 60), erre de canapés en plans foireux, à la recherche d’un sens à sa vie et pourquoi pas d’une issue à ce cercle infernal. La trouvera-t-il ?
En rond
Le nouveau film des frères Coen a ceci d’étonnant : il pourrait difficilement être mieux écrit, mieux filmé, mieux interprété, mieux centré sur son personnage qu’on ne quitte pas une minute et pourtant, il est loin d’être enthousiasmant, passionnant. Sans qu’on s’y ennuie vraiment. Le rythme, lent, semble d’abord un atout quand les deux réalisateurs prennent le temps d’écouter leur héros chanteur, en le filmant en gros plan…
Mais, ce personnage qui n’évolue pas – ce qui est normal, vu qu’il tourne en rond, empêtré dans une situation que l’on découvre au fil du film et dont il ne peut se sortir – qui est constamment pris dans ses propres contradictions (d’où le titre), qui enchaîne sans cesse les mêmes (petites) erreurs, les mêmes mauvais choix, qui accumule les mêmes rancoeurs, finit quand même par le rendre énervant, voire lassant.
Non pas qu’il faille absolument un héros positif à un film, mais ici, sa constante indécision, son refus de l’engagement et du dépassement de ses paradoxes finissent par avoir raison de l’intérêt qu’on lui porte, et par ricochet que l’on porte au film.
Fabuleux Oscar Isaac
Rien à reprocher non plus aux acteurs. Oscar Isaac, à peine croisé dans « Sucker Punch, Drive » ou « W.E » de Madonna, est excellent : il parvient à traîner sa langueur en gardant son charme, qui s’éveille à chaque fois qu’il prend sa guitare. On devrait le revoir très vite, dans un ovni baptisé Thérèse, inspiré de Thérèse Raquin, dans Mojave aux côtés de Louise Bourgouin, dans « Two faces of January » donnant la réplique à Viggo Mortensen et à Kirsten Dunst, dans un film de science-fiction « Ex-Machina ». Carey Mulligan, Justin Timberlake sont méconnaissables, mais convaincants, dans des rôles plus mineurs toutefois.
Le film a reçu le Grand prix au Festival de Cannes 2013.
Avec Oscar Isaac, Carey Mulligan, John Goodman, Garret Hedlund, Justin Timberlake…
2012 – USA – 1h45
Les autres films du 6 novembre chroniqués sur cine-woman :
Gabrielle et Martin font partie des Muses, une chorale professionnelle. Ils préparent un spectacle public où ils accompagneront Robert Charlebois. Et puis Gabrielle et Martin s’aiment.
Sans filtre
Rien que de très normal, sauf que Gabrielle et Martin sont déficients mentaux. Ce qui signifie que leur quotidien est organisé par leurs proches ou par leur institution, leur intimité aussi. Même s’ils apprennent à s’autonomiser, leur entourage ne semble pas prêt à accepter qu’ils se fréquentent et qu’ils s’aiment. Au fur et à mesure qu’ils se croisent chaque semaine pour chanter, leurs sentiments réciproques deviennent tellement forts qu’il semble de plus en plus impossible de les séparer.
La mère de Martin décide de mettre un terme à cette relation en empêchant son fils de venir aux répétitions. Gabriele, qui est vraiment amoureuse, commence à dépérir sérieusement, et à multiplier les comportements dangereux. Car, dans son cas, les filtres à émotion n’existent pas.
Et sans tabou
Sur le papier, le pitch est typiquement tout ce qu’on redoute de voir au cinéma. Sur écran, c’est autre chose. En filmant cette histoire comme un documentaire, en s’attardant avec tendresse sur ses personnages et sur leur quotidien compliqué, Louise Archambault réussit à déjouer tous les pièges qui semblaient tendus.
Là, au contraire, on s’attache tellement à Gabrielle et à sa détermination à pouvoir aimer Martin, que sa bataille pour la reconnaissance de son intimité, de ses sentiments devient un combat dans lequel on la soutient. A fond. Sa volonté de vouloir simplement aimer, comme quiconque, devient une conquête émouvante dans laquelle, à défaut de pouvoir l’aider, on se surprend à se refuser de la juger, voire à l’encourager dans la recherche de son bonheur.
C’est si vrai qu’on se moque même de savoir si Louise Archambault a travaillé avec des professionnels ou avec des amateurs, issus du centre où le film est tourné. Sa démarche est si sincère, qu’elle évite le pathos et le larmoyant pour laisser place à l’émotion vraie, comme quand Robert Charlebois vient rencontrer la chorale pour répéter une première fois avec elle. Un petit gars ben ordinaire qui leur fait faire un spectacle extraordinaire. Et touchant.
De Louise Archambault, avec Gabrielle Marion-Rivard, Alexandre Landry, Robert Charlebois…
2013 – Canada – 1h44
Les autres films du 16 octobre chroniqués sur cine-woman :
Weird ! Mais comment apprendre en vivre en marge du monde ? C’est le propos d’ « Electric Children », le premier film de la jeune américaine, Rebecca Thomas, qui s’est un peu inspirée de son histoire personnelle pour le réaliser.
Plongée mormone
Comme son héroïne, Rebecca a grandi dans une communauté mormone, du côté de Las Vegas et fréquenté dans son enfance dez fondamentalistes (ce qui n’est pas son cas). Normal donc que l’histoire proprement hallucinante de Rachel lui parle.
Le jour de ses 15 ans, Rachel, donc, une jeune mormone annonce à ses parents et à sa communauté de stricte obédience qu’elle est enceinte… et que c’est une cassette interdite de rock qui a provoqué cette grosesse. On décide donc de la marier. Elle s’enfuit à Vegas, à la recherche du groupe de rock de la cassette. Et c’est une autre facette de la vie qu’elle va découvrir…
Complètement hors du temps et hors des normes, ce petit film un peu bancal, un brin trop naïf pour sembler honnête parle d’une éducation d’un autre âge pourtant encore en vogue aux Etats-Unis. Sans la condamner puisqu’on peut finalement y échapper. Sans doute faut-il avoir l’innocence de l’adolescence pour y adhérer vraiment et être sensible à l’irrationalité de la religion pour s’en persuader. Car, sinon, la quête de Rachel semble désincarnée. Reste alors la confrontation de deux mondes, le mormon, et Las Vegas, un contraste dont on ne se lasse pas.
Avec Julia Garner, Rory Culkin, Liam Aiken, Bill Sage…
Au Congo, les enfants considérés comme des sorciers par leur famille sont abandonnés à la rue. Kinshasa, la métropole grouillante, compterait 20 à 30 000 de ces « shégués ». Comme les mendiants, les handicapés et autres pauvres, ils constituent la force vive de la rue et luttent à chaque instant pour trouver de quoi manger, de quoi survivre.
Grouillante de vie
Ce film, qui s’inspire du documentaire même si c’est une fiction imaginée par le réalisateur Marc-Henri Wajnberg, relate ainsi l’histoire de José, 10 ans, qui fuyant l’exorcisme auquel sa belle-mère le soumet, vient rejoindre seul le vaste bidonville de Kinshasa. Il finit par intégrer une bande de gamins qui décident de prendre leur destin en main, en créant, sous l’aile plus ou moins protectrice de Bebson, un rappeur allumé, un groupe de musique à l’énergie communicative.
Raconté comme cela, le film semble tenir debout. Ce n’est pas le cas. En voulant absolument reproduire l’incroyable énergie de la ville, le réalisateur se perd (et nous perd) dans les méandres de cette incroyable métropole où la loi du plus fort est souvent celle de la survie. C’est dommage car une structure plus solide aurait permis d’adhérer à la cause de ses enfants shégués tout en plongeant dans le cœur vivant d’une des plus fascinantes facettes de l’Afrique contemporaine.
Avec Emmanuel Fakoko, Gabi Bolenge, Gauthier Kiloko, Bebson Elemba
Quand le septième art rencontre le cinquième… Depuis ses débuts, le cinéma fait la cour à la musique qui parfois le lui rend bien, parfois pas comme dans un couple au long cours.
Ce qu’a tenté de rendre compte N.T BInh, le commissaire de cette nouvelle exposition très dense, c’est justement qu’à chaque étape d’un film la musique est présente, parfois avant même le scénario et souvent bien après son exploitation en salle.
Grâce à un parcours judicieux, séquencé en quatre grandes parties, (avant le tournage, pendant, durant la post-production puis après la sortie du film) avant une longue séquence d’une heure d’extraits musicaux de films en images, l’exposition revient sur l’histoire commune de ces deux arts et surtout sur la manière dont ils ont interféré l’un sur l’autre.
Avant les notes
Ca commence fort, par une mise en bouche sonore via la partition de Georges Delerue, auteur de la musique du Mépris et dont un original de la partition est affiché pour la première fois. A chaque étape, N.T BInh a recherché des documents les plus rares possibles, les exemples les plus parlants même s’ils ne sont pas les plus populaires.
Dans la première partie, on apprend ainsi qu’Ennio Morricone écrivait la musique avant même que Sergio Leone ne se mette au scénario ou que de grands réalisateurs ont d’abord eu de l’oreille avant d’utiliser une caméra. Et évidemment, il y a toute la musique et tous les musiciens qui ont inspiré des films d’Amadeus à l’album The Wall de Pink Floyd.
La seconde partie, celle du tournage, joue justement avec les codes d’un plateau de cinéma traditionnel pour mieux présenter extraits ou matériel, là encore inédits. On part du cinéma muet, on s’attarde sur le cas du Chanteur de Jazz, premier film parlant et chantant de l’histoire du cinéma en 1927, et on découvre les programmes musicaux et autres partitions qui accompagnent la réalisation des films. Mais aussi quelques « gadgets » comme le « violon insonorisé » d’Emmanuelle Béart pour Un cœur en hiver de Claude Sautet et tout un tas d’interviews rares comme celle de Marguerite Duras, expliquant son avis sur la place de la musique dans le cinéma ou l’enthousiasme communicatif de Claude Lelouch, qui lance « La musique est le meilleur directeur d’acteur, en expliquant qu’il mettait la musique de Francis Lai pour aider ses comédiens à jouer.
Mixer soi-même
On arrive ensuite dans la partie la plus interactive et la plus ludique de l’exposition, celle de la post-production et du mixage. Outre quelques manies de réalisateurs décryptés, plusieurs écrans tactiles, qui permettent de sélectionner les pistes enregistrées pour comprendre enfin l’efficacité de la musique sur une séquence de films. Un cas d’école : l’intro de The Artist de Michel Hazanavicius qui a commandé à son compositeur Ludovic Bource un thème mais qui a tourné en utilisant une musique d’Hitchcock, finalement gardé dans le montage final. Après une séquence sur les couples fidèles de réalisateurs/compositeurs, un studio permet même de faire son propre mixage sur une scène de Mesrine, de Sur mes lèvres ou de Gainsbourg, vie héroïque. A sa guise.
La dernière partie à l’étage inférieur, revient sur les bandes-sons les plus célèbres et juste avant, la fameuse heure d‘écoute de musique célèbre, se trouve un décor de l’Ecume des jours de Michel Gondry, film qu’on attend pour 24 avril prochain.
La preuve s’il en était que cinéma et musique font toujours aussi bon ménage. Un bémol : forcément quelques manques (surtout du côté du rock ou de la pop) mais l’ensemble vaut largement le détour. Immédiatement.
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