Le mépris
Masculin/féminin
« Et mes seins ? Tu les aimes mes seins ? Et mes fesses ? Tu les aimes mes fesses ? Et mes pieds ? Tu les aimes mes pieds ? »… Aux producteurs qui trouvaient qu’on ne voyait pas assez Bardot nue dans le film, Godard a opposé une réponse littérale : « vous la voulez nue, parce qu’elle est belle et très célèbre ? Elle va vous montrer à quel point elle l’est vraiment ! »
Adaptation fidèlement libre
Ainsi commence « Le Mépris », le film le plus populaire de Jean-Luc Godard, qui oppose dans un amour en décrépitude Brigitte Bardot, la Star de l’époque à Michel Piccoli. Comme dans le livre d’Alberto Moravia dont il est adapté, fidèlement quant à l’esprit, un peu moins quant à la narration, le mari, Paul ici, vit de sa plume. Dans le film, il est scénariste et prépare, pour la première fois de sa vie, un projet d’envergure. Sa femme, Camille, ne travaille pas et le soutient dans cette démarche… jusqu’au jour, par maladresse, il commet un faux pas. Elle en vient alors à le mépriser, profondément, éperdument… jusqu’à la quitter.

Le film, comme le livre, raconte le long et subtil processus de cette rupture, de cette désaffectation des sentiments que les époux se portent l’un à l’autre. On les voit d’abord très liés, amoureux, elle changeant même d’apparence pour lui (BB devient brune dans quelques scènes du film), avant que ne se mette en place le délicat enchainement d’événements qui finira par les séparer complètement.
A Capri, c’est fini
Une séparation d’autant plus cinématographique qu’elle prend corps au sein du tournage d’un film, à Capri, à proximité de la merveilleuse villa rouge de Curzio Malaparte, un écrivain engagé qui l’a cédé à la République Populaire de Chine à sa mort.

Ce film est une épure, un arc dramaturgique tendu où un couple se débat, plongé dans un univers, une dimension trop grande pour lui. Elle était trop belle, il ne s’est pas méfié, elle l’aimait, il s’est dérobé, ne s’est pas comporté comme l’attendait d’un homme. Son mépris sera définitif, catégorique.
Le cinéma, une mise en abîme
Godard filme ce processus avec une attention presque bienveillante au départ et quand le conflit devient trop évident, comme le mari, il semble prendre la poudre d’escampette, se recentrant sur le tournage (son travail) puisque incapable de comprendre l’éloignement de sa femme. On a souvent dit qu’il avait ainsi mis en image sa propre rupture avec Anna Karina. Peut-être et ce n’est pas la moindre des vertus de ce magnifique hommage moderne et renouvelé, à un livre, à un auteur (Moravia), à un pays (l’Italie) tous magnifiques.
Il faut (re)voir « Le mépris » en version restaurée (et numérique) à l’occasion des 50 ans du film, pour ce qu’il dit du couple, des femmes, des hommes aussi et même du cinéma. Admirer BB à son apogée dans un de ses rôles les plus denses, Michel Piccoli dans le désarroi absolu, Fritz Lang comme acteur inattendu… Se bercer de la si célèbre et entêtante mélodie de Camille, et reconnaître l’extraordinaire aplomb de Godard, dictant son générique, filmant la villa Malaparte comme jamais, enrichissant le propos de ses obsessions et de ses propres admirations : Fritz Lang et Jack Palance…
De Jean-Luc Godard, avec Brigitte Bardot, Michel Piccoli, Fritz Lang, Jack Palance…
1963 – France/ Italie – 1h43
- Les garçons et Guillaume, à table! film drôlement identitaire de Guillaume Gallienne
- La maison à la tourelle, hommage touchant à Katerina Golubeva et à l’écrivain russe Friedrich Gorenstein
- L’apprenti Père Noël et le flocon magique, une nouvelle aventure au pays du Père Noël
- Torben & Sylvia, dessin animé écolo et rigolo
- Borgman, étrange film du néerlandais Alex van Warmerdam
© 1963 STUDIOCANAL – Compagnia Cinematografica Champion S.P.A.


Outre cet ultra-égocentrisme déjà malsain, l’autre aspect abject du film est son impudeur et son indécence permanentes. On ne sent aucune distance de la réalisatrice par rapport à ce qu’elle raconte et qui s’avère être sa vie. Et même si elle pratique un peu l’humour à ses dépends (quand elle est à l’hôpital pour sa FIV par ex ou à Naples pour s’asseoir sur un fauteuil qui favorise de fertilité), elle ne perçoit pas, semble-t-il, que ses démarches correspondent à des pulsions très égoïstes, à des caprices pour ne pas dire des passe-droits qu’elle s’arroge parce qu’elle est comme ça, issue d’un cocon gâté, richissime qui la coupe du monde et de la réalité.
D’autres, Visconti pour ne citer que lui, ont déjà traité le sujet de la faillite financière et morale de ces familles avec un autre pertinence, et cela bien qu’il en soit lui-même issu. Là, on la regarde le nez collé à la vitre d’un monde qui n’a aucune empathie pour nous, avec l’impression malsaine de les voir s’ébattre, se plaindre, dégénérer, parader aussi sans complexes. Comme si leur vie pouvait être plus intéressante que la nôtre. Mais non, elle est seulement pathétique et le regard de la réalisatrice, complaisant. Rien de plus.