Mon tissu préféré

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Un premier film syrien réalisé par une femme en 2018 force le respect. Mon tissu préféré de Gaya Jiji est pourtant trop éthéré pour être renversant.

D’une étoffe fragile

Nahla est une jolie jeune femme qui rêve de sensualité et d’amour, plus que de mariage. Vendeuse dans un magasin de vêtements, elle s’imagine un amant dévoué et sensuel et s’interroge sur les hommes. Sa mère qui a, seule, la charge de ses trois grandes filles a d’autres projets pour elle : la marier a un syrien installé aux Etats-Unis. Ainsi la famille entière pourra-t-elle fuir Damas qui, en 2011, connaît les premiers soubresauts de révolte.

Mon tissu préféré de Gaya Jiji - Cine-Woman
Manal Issa est Nahla

Mais Nahla est bien trop sauvage, indépendante pour accepter aussi facilement qu’on décide de sa vie. D’ailleurs, l’homme lui préfère sa sœur. Nahla a d’autres envies. Celle de mieux cerner sa voisine, une femme étrange qui reçoit des hommes chez elle…

Une liberté chèrement consentie

Mon tissu préféré traite de thèmes essentiels : la possibilité pour une femme de revendiquer sa sensualité hors mariage, son indépendance.. bref d’être un esprit libre et de décider de sa vie dans une société corsetée et patriarcale. Ici, il ne sera jamais question de religion. Pourtant, les rares hommes planent comme des ombres, pas menaçantes, juste absentes dans le film.

Mon tissu préféré de Gaya Jiji - Cine-Woman
Manal Issa (Nahla) et Metin Akdülger (L’homme )

On comprend bien le propos même s’il est dilué dans une réalisation trop hésitante. On met du temps à saisir la révolte de Nahla et sa quête existentielle. Sans daute parce que la réalisatrice procède par touche en enchaînant de scènes qui n’ont pas vraiment de rapports entre elles et qui ne se suivent pas dans le temps. En comme la lumière est souvent sombre, on manque de repères temporels (impossible de dire si le film dure un mois ou un an).

Mon tissu préféré : un éveil aux sens

Reste que le propos est intéressant et traité avec de manière fort originale. En mettant dans le champs  de Nahla, cette voisine différente, qui a fait de son appartement une sorte de maison close, Gaya Jiji stimule l’imagination et les sens de son héroïne. Si l’image manque de sensualité, elle questionne incontestablement le prix de la liberté des femmes dans ces sociétés ou des rôles qu’on leur assigne. Sans inciter, sans être démonstrative, sans romancer non plus.

Mon tissu préféré de Gaya Jiji - Cine-Woman
Manal Issa (Nahla) avec sa soeur

L’intensité des actrices – Manal Sissa ou Ula Tabari qui jouent respectivement Nahla et madame Jiji – font penser à celles du cinéma israélien d’il y a une quinzaine d’années, quand Ronit Elkabetz et Karen Yedaya faisaient souffler un vent nouveau en cassant les codes de la représentation de la femme en Israël. Et cela, même si le message de Gaya Jiji est moins militant et plus personnel.

De Gaya Jiji, avec Manal Sissa, Ula Tabari, Souraya Baghdadai, Mariah Tannoury…

2018 – France/ Allemagne/ Turquie – 1h35

Mon tissu préféré de Gaya Jiji concourt en sélection officielle – Un certain regard.

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