Face à la mer

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Dans Face à la mer, Ely Dagher traite de l’effondrement du Liban à travers l’histoire de Jana, une jeune femme perdue qui ignore où est son avenir. Déprimant. Le film est présenté à la 53e Quinzaine des réalisateurs.

La fin de l’espoir

Une des dernières images du film est sidérante de beauté. Jana marche droite devant une piscine vide, sale, et sa dignité ne fait que renforcer l’état de délabrement du décor. Une des premières images du film, pourtant, laissait percer un espoir. Jana sortait de l’aéroport, seule, et l’on comprenait aussitôt qu’elle revenait dans son pays.

Face à la mer d'Ely Dagher - Cine-Woman
Jana (Manal Issa) au bord du gouffre

Que revient-elle donc faire au Liban? Jana a tout pour elle la jeunesse, la beauté. Et alors que sa famille, sa mère surtout, se réjouit de la voir rentrer, Jana est taiseuse, butée, en proie à la déprime qui semble happer la jeunesse d’un pays qui croule sous les problèmes et finit par désespérer.

Le Liban sombre, Jana aussi

Jana reprend un peu d’ardeur et de goût de vivre dans le bras d’Adam, son amant qui l’a attendu les deux ans qu’elle a passé en France, à Paris. Sans illusion toutefois. Lui s’est gentiment résigné et préfère profiter de chaque instant. Et il est amoureux, ce qui donne un sens à sa vie. Jana, elle, n’a aucun repère. Comme le Liban. Elle n’a plus aucune morale, presque plus d’humanité. Elle sait aussi que l’exil n’est pas une échappatoire.

Face à la mer d'Ely Dagher - Cine-Woman
Adam (Roger Azar) redonne un peu le goût de vivre à Jana (Manal Issa)

On comprend aisément la démarche d’Ely Dagher, palmé d’or en 2015 pour son court-métrage Waves’98,  qui fait incarner à Jana un pays à la dérive tout entier. Comme on comprend qu’il confie ce rôle à la sublime Manal Issa, l’héroïne de très beau Mon tissu préféré, présenté à Un certain Regard en 2018. Murée dans son silence et ses déceptions, elle garde un magnétisme puissant tout en restant insondable, inaccessible.

Face à la mer, dos à l’espérance

Cette identification reste toutefois trop littérale – elle pourrait être plus nuancée suivant ses rapports avec les uns ou les autres –  pour qu’on adhère entièrement à son propos. Et surtout beaucoup trop déprimant. Le Liban sombre et nous avec.

Face à la mer d'Ely Dagher - Cine-Woman
Jana (Manal Issa) seule contre tous?

Mais, cette prise de conscience devrait pouvoir s’accompagner d’une lueur. Ici, ce n’est pas du tout le cas. Et malgré la beauté des images d’Ely Dagher, la puissance butée de Jana, l’ensemble est vraiment très (trop?) déprimant.

Ce texte a été écrit l’an dernier, après sa présentation au Festival de Cannes. L’évolution du monde, depuis un an, du Liban en particulier mais pas que, tenterait à prouver avec Ely Dagher qu’il n’y aucune raison d’être optimiste… Au contraire.

D’Ely Dagher, avec Manal Issa, Roger Azar, Fadi Abi Samra, Rabih El Zaher, Yara Abou Haidar…

2021 – Liban – 1h56

Face à la mer d’Ely Dagher est présenté à la 53e Quinzaine des réalisateurs. En tant que premier film, il concourt à la Caméra d’or. Sa date de sortie dans les salles de cinéma françaises n’est pas encore connue.

Le film est visible lors des reprises de la Quinzaine des Réalisateurs, à Marseille du 25 août au 5 septembre 2021 ou au Forum des Images à Paris du 26 août au 5 septembre 2021. Ou enfin dans le réseau des salles GNCR du 24 septembre au 5 octobre 2021. Sortie France : 1″ avril 2022.

©Ely Dagher
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