La petite dernière

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La petite dernière, le 3e film d’Hafsia Herzi, est une adaptation sans effet de l’autofiction de Fatima Daas. Son audace est ailleurs. Le film a reçu le prix d’interprétation féminine remis à Nadia Melliti et la Queer Palm.

Sortir du rang

Fatima est la 3ème fille d’une famille musulmane traditionnelle, la petite dernière. Elle est en terminale, plutôt bonne élève et traîne sa dégaine de garçon manqué dans sa bande de copains. Elle a un amoureux, qui souhaiterait bien l’épouser si elle était un peu moins distante. Or, Fatima cache un secret : ce sont les femmes qui l’attirent.  Ce qui ne se fait pas dans la religion musulmane qu’elle pratique. 

La petite dernière d'Hafsia Herzi - Cine-Woman
Fatima (Nadia Melliti) et Ji-Na (Ji-Min Park)

Mais le désir est plus fort. Elle vit sa première passion secrètement, avec une infirmière d’origine coréenne, dont elle tombe très amoureuse. Les premières amours sont rarement les plus simples… Malgré tout, Fatima peut enfin se lancer à l’exploration de son désir. 

Elle mérite un amour

Avec son air buté, ses larmes qui coulent doucement sur son beau visage, Fatima, interprétée par Nadia Melliti, déjoue les attentes et les stéréotypes. Et c’est d’ailleurs l’incarnation idéale de l’audace principale du film d’Hafsia Herzi : décrire simplement mais avec beaucoup de justesse la manière dont Fatima gère la découverte de sa sexualité en dehors des chemins battus. 

La petite dernière d'Hafsia Herzi - Cine-Woman
Fatima (Nadia Melliti)

Hafsia Herzi ne fait aucune esbroufe. Son film est tenu mais manque de surprises, de conflits et d’émotions. Elle ne nous cueille pas comme elle avait pu le faire avec son premier film, Tu mérites un amour, qui, malgré son budget fauché, emportait tout sur son passage. 

Des manques

La petite dernière est mieux produit, mieux maîtrisé, au détriment de maladresses – la scène chez l’imam par exemple – ou de tensions gommées qui auraient pourtant renforcer les émotions ou les ressentis. Pourquoi avoir créé des relations si lisses entre Fatima et ses sœurs, qui sont inexistantes dans sa confrontation au réel et dans sa vie ? Qui sont-elles d’ailleurs? Pourquoi avoir fiancé Fatima avec un type venu de nulle part et croisé sur un palier ? La mère n’est-elle que la douceur et la bienveillance même ? Fallait-il cette famille «idéale» pour que la petite dernière trouve ainsi sa place? 

Hafsia Herzi, toute à émancipation de son héroïne et de ses contradictions, ne répond pas à ces questions-là. Ce qui fait que la scène la plus émouvante est à mettre au crédit de Ji-Na, la fragile infirmière coréenne qui devient l’amoureuse de Fatima (interprétée par la très sensible Ji-Min Park), dont les empêchements donnent plus de corps, de sincérité à son jeu et au propos du film. 

Sexualité et religion

Malgré cela, Hafsia Herzi s’attaque de front à un sujet polémique : la liberté sexuelle des jeunes femmes musulmanes et l’hypocrisie qu’impose le respect de leur religion. Mais elle n’en fait pas un problème moral, juste une nécessité : celle d’être cohérente avec soi-même pour vivre à peu près heureuse. 

Son actrice Nadia Melliti, issue d’un casting sauvage, est incontestablement une nature, à l’empêchement et à l’humour proche de ceux de Paul Mirabel. Elle semble être une footballeuse déterminée à poursuivre son parcours sportif. Elle a pourtant reçu le prix d’interprétation féminine au 78e Festival de Cannes, plus pour ce qu’est et ce que représente le film. Son jeu est plutôt uniforme, même s’il est toujours juste. 

D’Hafsia Herzi, avec Nadia Melliti, Ji-Min Park, Amina Ben Mohamed, Melissa Guers..
2025 – France – 1h47

Nadia Melliti qui interprète Fatima, La Petite dernière, a remporté le Prix d’interprétation féminine  du 78e Festival de Cannes. Le film, le troisième réalisé par Hafsia Herzi, a lui reçu la Queer Palm. La petite dernière sortira le 22 octobre 2025 dans les salles de cinéma françaises. 

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