Poumon vert et tapis rouge

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Pour rendre hommage au travail de Francis Hallé qui défend les forêts primaires, Luc Maresco veut faire une fiction. Poumon vert et tapis rouge raconte comment il s’y prend. Si l’intention est louable, le film est narcissique et maladroit, à minima.

Sauver les arbres pour sauver les hommes (mais pas les femmes)

Francis Hallé est un inconditionnel et un incontournable défenseur des forêts. Il investit tout son temps et son énergie à lutter contre la déforestation et prévient des risques à continuer à couper des arbres, à chasser les animaux qui y habitent, à détruire ainsi la biodiversité. Son message est original et essentiel. Et son admiration des arbres, de l’adaptation des plantes est merveilleuse. Il a été le sujet de nombreux documentaires dont celui de Luc Jacquet, Il était une fois une forêt.

Poumon vert et tapis rouge de Luc Marescot - Cine-Woman
Une forêt primaire

Constatant que son message ne change rien et ne porte pas assez, Luc Marescot a l’intention de faire de Francis Hallé un personnage de fiction. Bonne idée lui disent ses amis. Il fait donc jouer son ( énorme ) réseau – il a réalisé 80 documentaires animaliers et a longtemps assisté Nicolas Hulot – pour écrire un scénario et chercher une production capable de mener son projet à terme. Il va même jusqu’à Hollywood pour trouver de quoi monter son film !

La femme, l’arbre qui cache la forêt

Cette quête est menée tambour battant dans un mélange d’interviews, de rencontres, de messages à prodiguer voire de mise en abîme. C’est ultra-narcissique mais plutôt distrayant. Et la cause justifie le geste. Bon, sans surprise, il se heurte à deux écueils : il n’a jamais réalisé de fictions et son projet est très cher.

Poumon vert et tapis rouge de Luc Marescot - Cine-Woman
Juliette Binoche, LA femme

Ce qu’il ne maîtrise pas mais qui crève les yeux, est la partialité de son regard. Pourquoi veut-il faire ce film? Pour sauver l’humanité qui passe son temps à se détruire en arrachant les forêts. Mais lui-même n’en a qu’une vision tronquée. Il n’interviewe et ne filme que des hommes, comme si cette humanité qu’il cherche à sauver n’était composée que d’un seul sexe, d’un seul genre. A une exception près – l’arbre qui cache la forêt donc -. Et c’est finalement la seule fois où une ouverture à son projet semble tangible.

Poumon vert et tapis rouge, le male gaze à outrance

Et il est tellement sûr de son fait, de son point de vue hyper masculin qu’il n’interroge jamais, qu’il ne s’en rend même pas compte.

Poumon vert et tapis rouge de Luc Marescot - Cine-Woman
Une autre forêt primaire

C’est incontestable que les propos puissants de Francis Hallé méritent un écho plus large qu’il n’en a aujourd’hui. Mais en faire le héros violent et surpuissant – il kidnappe les jurés d’un procès – et se bat comme un mercenaire dans un film d’action bourré de testostérone est au mieux maladroit, au pire – et je crains le pire -une ineptie totale, puisqu’il s’inscrit dans la même logique de rapport de force que celle qu’il dénonce.

Que ce Luc Marescot s’interroge sur l’humanité au sens propre, et qu’il y inclut les femmes est une préalable à la réussite de son projet décrit dans Poumon vert et tapis rouge.

Documentaire de et avec Luc Marescot, Francis Hallé, Edouard Baer, Jacques Perrin, Juliette Binoche, Antoine de Maximy…

2020 – France – 1h35

©Marc Dozier

Poumon vert et tapis rouge de Luc Marescot est désormais en DVD et en VOD

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