The Master

De Paul Thomas Anderson 

Après le très saisissant There will be blood qui traitait de la ruée vers le pétrole en Amérique, sur quoi Paul Thomas Anderson, cinéaste passionnant, allait bien pouvoir se pencher ? Une fois de plus, il choisit un sujet inédit qu’il traite à sa manière.

Freddie a fait la guerre en Europe. Il en est rentré mais depuis, n’est plus capable d’avoir un comportement social « normal », acceptable.

Comme les autres soldats, il doit pourtant tenter de se trouver une place dans une société américaine en plein bouleversement. Embauché comme photographe dans un grand magasin – ce temple de la nouvelle religion américaine, la consommation-,  Freddie ne peut contrôler la violence qui l’habite. Il est viré et tente dans l’alcool de trouver un sens à sa vie. C’est alors qu’il va rencontrer Dodd, un homme charismatique, fondateur et leader d’un nouveau mouvement spirituel, La Cause. Fasciné, Freddie ne tarde pas à rejoindre le cercle restreint de cette faction encore confidentielle. Peu à peu, il va devenir indispensable à Dodd jusqu’à s’imposer comme son bras droit…

Spiritualisme

Evidemment, Dodd fait immédiatement penser à Ron Hubbard, l’inspirateur de la dianétique, fondement de la scientologie. Anderson ne le renie pas mais ne le revendique pas non plus. Tout au plus reconnaît-il de s’être plonger dans la lecture de Ron Hubbard mais surtout dans la myriade de mouvements du même genre qui ont fleuri à l’époque. « La période qui a suivi la Seconde Guerre Mondiale a été particulièrement propice pour créer un mouvement spirituel ou une religion, souligne Anderson aujourd’hui. Et c’est justement cette floraison motivée par une singulière quête de sens de la part de populations désoeuvrées  qui intéresse le cinéaste.

Nul doute que le sujet est intéressant. Cinématographique ? Pas sûr… Justement, pour déjouer cette contrainte de montrer la quête spirituelle au cinéma, Paul Thomas Anderson a choisi de se centrer sur le duo/duel entre Freddie et Dodd, sur la manipulation réciproque et les rapports humains parfois étranges qui les lient. D’une part, ce n’est pas hyper dynamique et d’autre part, on se perd dans l’étrange jeu de pouvoir qu’ils les opposent jusqu’à décrocher complètement par moment. C’est dommage, car si Paul Thomas Anderson ne revendique pas (et on lui en sait gré) de faire un film aimable, ce n’était pas non plus le cas de There will be blood qui restait toutefois fascinant et accessible de bout en bout. Et ce n’est surtout pas de la faute des acteurs qui défendent leur partition avec ferveur. Les deux comédiens principaux ont d’ailleurs reçu la Coupe Volpi des meilleurs acteurs à la Mostra de Venise 2012, tandis que Paul Thomas Anderson a reçu le Lion d’Argent du meilleur réalisateur.   Mention spéciale à Amy Adams, qui, avec un rôle ingrat, réussit à imposer la personnalité à la fois soumise, fervente et déterminante de la femme de Dodd.

Avec Joaquin Phoenix, Philip Seymour Hoffman, Amy Adams, Laura Dern….

2012 – USA – 2h17