La vraie famille

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Les liens de sang sont-ils plus forts que les liens d’amour et d’affection? C’est ce qu’explore avec beaucoup de sensibilité La vraie famille, le 2e film de Fabrice Gorgeart, à travers une famille d’accueil.

« Aimez-le mais pas trop »

En France, environ 45 000 familles accueillent des enfants qui ne sont pas les leurs.  Si l’actualité met parfois en avant les déviances qui y prennent parfois place, il en est d’autres qui sont aimantes et dévouées. Parfois à l’extrême.

La vraie famille de Fabrice Gorgeart - Cine-Woman
Anna (Mélanie Thierry), son mari (Lyes Salem) et leurs deux enfants naturels, en vacances

C’est le cas de celle d’Anna, Driss et leurs deux enfants dans laquelle Simon, six ans aujourd’hui,  est élevé depuis l’âge d’un an et demi. Et si l’on croit les images, c’est une famille idéale, souriante, de bonne humeur où les conflits sont vite résolus.

Droit du sang

Le film commence sur des scènes de vacances dans un camping plutôt chouette où tout le monde s’amuse. Simon pourtant ne pourra pas participer à la sortie en accro-branches, et pas parce qu’il est trop petit. Couvé par sa mère, il s’y résoudra tant bien que mal mais elle saura lui faire accepter cette injustice.

La vraie famille de Fabrice Gorgeart - Cine-Woman
Les jours heureux pour Simon (Gabriel Pavie) au centre

La situation va se tendre quand le père de Simon, sorti d’une longue période sombre, décide de récupérer son fils auprès de sa famille d’accueil. Anna, elle, qui l’a élevé et aimé comme le sien, n’arrive pas à s’y résoudre.  Jusqu’alors, elle a respecté sa mission, son travail à la lettre. Se séparer de Simon lui est insupportable…

Sans affect ?

C’est à un sujet très peu filmé (à part dans les documentaires) que s’attaque, pour son deuxième long métrage, Fabrice Gorgeart. Il a écrit le scénario de La vraie famille seul, en s’inspirant d’une situation qu’il a connu enfant, lorsque sa mère avait accueilli un enfant auprès de leur famille. Ce qui donne une véracité extraordinaire au récit et aux enjeux qui se nouent.

La vraie famille de Fabrice Gorgeart - Cine-Woman
Simon (Gabriel Pavie)

Sans accuser ni les uns, ni les autres, Fabrice Gorgeart démonte le fonctionnement hallucinant qu’on impose à ces familles d’accueil. Avec justesse. Certes, c’est un métier et elles sont bien sûr rémunérées pour le faire. Mais à quel prix ? L’enfant qui a souvent subi un traumatisme parfois régulièrement entretenu par ses parents biologiques toxiques est à plein temps dans ces familles qui sont plus souvent soumises à des contrôles ou à des obligations qu’elles ne bénéficient d’aides psychologiques ou matérielles pour s’occuper d’eux. Anna par exemple emmène Simon à la messe chaque dimanche alors qu’elle n’est pas pratiquante.

Droit de retrait

En revanche, ces familles doivent accepter de se rétracter, de réparer si les parents de sang, qui sont souvent instables, le désirent ou changent d’avis. Comme l’explique Fabrice Gorgeart le seul conseil qu’on avait donné à ma mère c’était « aimez-le mais pas trop ».

La vraie famille de Fabrice Gorgeart - Cine-Woman
Simon (Gabriel Pavie) dans les bras de son père (Félix Moatti), loin de sa « mère » (Mélanie Thierry)

Inutile dévoiler ici la manière dont le film, solaire, se déroule et se finit. Mais, c’est proprement déchirant… Mélanie Thierry est littéralement extraordinaire dans ce rôle d’une mère ordinaire qui, par amour, en oublie sa mission. Elle est fort bien entourée par Lyes Salem, père solaire et Félix Moatti, père sombre et par le très sensible jeune Gabriel Pavie.

La vraie famille en question

Au regard d’un système trop bureaucratique et surtout d’employées du « care » en trop petit nombre, on comprend alors aisément que le nombre de famille d’accueil est en diminution constante en France, alors que c’est sûrement une des solutions les plus riches pour faire grandir des enfants entourés d’attention et pourquoi pas d’affection.

De Fabrice Gorgeart avec Mélanie Thierry, Lyes Salem, Félix Moatti, Gabriel Pavie, Dominique Blanc…

2021 – France – 1h42

La vraie famille de Fabrice Gorgeart a été primée au Festival du Film Francophone d’Angoulême (prix du jury et prix d’interprétation à Mélanie Thierry), au Festival2Valenciennes (prix du public, du jury et des étudiants) et été présenté aux Arcs Film Festival.

©Cédric Sartore
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