Jack
Avec Jack, le réalisateur allemand Edward Berger revient au cinéma après des années à la télévision. Il signe un film touchant et sans jugement sur la maternité précoce.
Avec Jack, le réalisateur allemand Edward Berger revient au cinéma après des années à la télévision. Il signe un film touchant et sans jugement sur la maternité précoce.
Une femme, la soixantaine bien tenue, Cornelia, se plaint. Son fils unique, Barbu, la tient à distance, loin, le plus loin possible de lui, surtout depuis qu’il s’est mis en ménage avec une mère célibataire. Elle prétend n’avoir que lui et bien qu’il soit sans intérêt ou à peu près, elle ne jure que par lui et veut absolument jouer un rôle de premier plan dans sa vie.
Quand Barbu a un accident de voiture qui provoque la mort d’un adolescent, Cornelia y voit aussitôt une manière de s’imposer à nouveau dans la vie de ce fils, chauffard (il roulait beaucoup trop vite).
Pitcher ce film est un risque, celui d’être dix fois plus explicite que ne l’a voulu le réalisateur Calin Peter Netzer, talent émergent de la nouvelle vague roumaine. Car de démonstration, de sermon appuyé, il n’y en a point dans cette chronique dramatique d’une famille aisée de la Roumanie post-Ceaucescu.
C’est un des premiers intérêts de ce film déroutant et émouvant. Il dresse un portrait sans concession des classes privilégies roumaines. Le père de Barbu est chirurgien, sa femme décoratrice a choisi de ne plus travailler, mais leur réseau est influent et ils ont de l’argent. Suffisamment pour limiter la condamnation de leur fils, pour tenter de corrompre des témoins, pour en proposer aux parents du défunt, bref pour faire à peu près n’importe quoi et se sentir au-dessus des lois, des autres…
Ce qui a le don d’exaspérer Barbu. Lui aimerait bien avoir une certaine droiture, mais il en est incapable, anéanti dans ses moindres désirs, ses moindres initiatives par une mère sur-protectrice. Le pire c’est qu’il paie au prix fort une attention que mériterait son père, si sa mère n’avait pas fait abstraction de sa vie de femme.
En navigant ainsi au plus près des réactions des uns et des autres, on saisit par touche la manipulation dont est capable cette mère déterminée et dynamique, prête aussi bien à s’humilier un moment pour mieux reprendre des forces et de l’entregent afin de s’imposer plus tard, sous prétexte d’agir pour le bien d’autrui.
Et pour mieux montrer l’étau dans lequel se retrouve ce grand fils, sans grande personnalité, qui a beau reproché mais n’est jamais entendu, Calin Peter Netzer a choisi de ne pas lâcher d’une semelle cette mère qu’il filme au plus près, affirmant sans relâche qu’elle est le cœur du problème et qu’elle ne laisserait sa place pour rien au monde.
Plusieurs scènes sont à cet égard particulièrement vibrantes : celle où Cornelia décide d’affronter sa belle-fille qui finit par lâcher prise et raconter une intimité qui ne la regarde pas, celle finale où elle rend visite aux parents endeuillés, devant la douleur desquels elle ne parvient même pas à s’effacer, toute obnubilée qu’elle est par son malheur à elle. On dirait ma mère…
Bravo à Calin Peter Netzer d’être ainsi parvenu à filmer l’indicible, avec intelligence et retenue. Ce talent lui a d’ailleurs valu d’être sacré Ours d’Or et prix Fipresci à Berlin en 2013. Luminita Gheorghiu, qui joue Cornelia, n’aurait pas volé non plus le prix d’interprétation féminine, revenu à la chilienne Paulina Garcia, pour Gloria de Sebastian Lelio.
2013 – Roumanie – 1h52
©cos-aelenei
Il est étrange, Stephen Frears. Capable des meilleurs films comme des moins bons, surfant avec une boulimie rare d’un sujet à un autre sans qu’il y ait le moindre rapport entre eux comme s’il manquait de discernement.
« Philomena » est donc une production de basses eaux. Une page vite tournée, un sujet traité avec un certain sens de l’artisanat mais sans grande conviction. Au contraire de certaines perles qu’il a pu signée auparavant dont le merveilleux « Mme Henderson présente » avec déjà Judy Dench. Après avoir campé dans ce sublime hommage aux cabarets de l’entre deux guerres une veuve riche et audacieuse, Judi Dench joue ici une infirmière à la retraite, de condition fort modeste, hantée par un drame affreux.
Alors qu’elle était jeune fille, dans la très catholique Irlande des années 1950, elle a fauté et eut un enfant de cette union furtive. Emprisonnée dans un couvent – et l’on sait depuis « les Magdalene Sisters » de Peter Mullan quel enfer était réservé aux jeunes filles dans ces établissements-, Philomena est traitée en esclave, à la buanderie, et a le droit de voir son fils une heure par jour… jusqu’au jour il est adopté, sans son consentement à elle.
Voilà 50 ans que ce fils est né, et Philomena n’a plus eu la moindre nouvelle de lui depuis les années 1950. A la faveur d’une rencontre inattendue avec un journaliste désabusé et arrogant, elle va mener l’enquête et ce qu’elle va découvrir est particulièrement surprenant. A son contact, le journaliste va apprendre à la considérer, elle et ses convictions religieuses et terre-à-terre qui sont à mille lieues de son univers quotidien.
Si l’histoire de la quête est assez captivante, puisqu’avec Philomena, on va peu à peu découvrir qui était ce fils manquant (et elle a de la chance, il a eu un parcours hors du commun – le film est paraît-il tiré de faits réels), Frears rend ici le service minimum : la réalisation est banale, sans efforts, les personnages campés dans leurs attitudes et leur alliance de circonstances dégage juste ce qu’il faut pour rester polie.
Alors que les deux sujets majeurs (la quête du fils, l’atrocité religieuse) prêtaient autant à se poser des questions qu’à soulever des émotions, rien ne transparaît ici. Seul, le dandysme débonnaire de Steve Coogan, producteur, co-auteur et interprète du film, fait plaisir à voir. On attendait plus… même si le film a été récompensé du prix du scénario au Festival de Venise 2013 (une récompense étrange car le scénario n’a rien d’exceptionnel). Espérons, après ce passage à vide amorcé après « The Queen » en 2006, que Frears retrouve l’inspiration pour le biopic consacré à Lance Armstrong qu’il prépare actuellement. Wait & see…
2013 – Grande-Bretagne/ Etats-Unis – 1h38
Qu’il y a–t-il de pire qu’un comique que l’on a pu chérir, en manque totale d’inspiration ? Autant la médiocrité d’un drame suscite parfois l’indulgence, autant une comédie ratée, pas drôle, maladroite laisse un souvenir amer, une conclusion radicale du style « on ne m’y reprendra plus » !
Valérie Lermercier dont on aimait le sketchs, les apparitions et même les premiers pas (voire les suivants) au cinéma, n’a plus le feu sacré. Elle se met en scène ici, en rédactrice en chef du magazine Elle (une rumeur persistante prétend qu’elle en a toujours rêvé). Du début jusqu’à la fin du film, elle est tiré à 4 épingles, portant jusqu’au budget d’un film (un court-métrage, ok) sur le dos, partageant son luxueux appartement du 7e arrondissement de Paris avec un galeriste d’art contemporain, joué par Gilles Lellouche.
Tout irait pour le mieux dans leur vie ultra-privilégiée, s’ils n’avaient décidé d’adopter un petit russe, Aleksei, 7 ans. Sauf que la demie mondaine en Louboutin a beau avoir une horloge biologique qui la rappelle à l’ordre, on ne lui a donné ni le mode d’emploi pour s’occuper d’un enfant, ni l’instinct maternel. Que faire de ce gamin qui ne lui plait pas, dont elle ne veut plus et qui lui pourrit la vie et sa carrière ?
Raconté comme ça, le film paraît presque intéressant. Ce qu’il n’est jamais à l’exception d’une ou deux scènes gimmick rigolotes (la déception à l’aéroport, la traversée du défilé). C’est misérable d’autant que le film est une véritable faute de goût du début à la fin, une mondanité bling-bling complètement hors de propos, dépassé, démodé, caricatural… encore plombé par une absence totale de rythme dans les gags et les répartis. Pitoyable !
Seuls Gilles Lellouche et Bruno Podalydès défendent comme ils peuvent une partition plombée, terne, sans talent. Aussi mauvais et daté que les derniers Chatillez. C’est dire…
2013 – France – 1h38
Les autres sorties 11 décembre critiquées par cine-woman :
La rébellion adolescente peut prendre des formes étranges. C’est le propos de 17 filles de Delphine et Muriel Coulin. Dans leur premier film, elles transposent un fait divers américain en Bretagne. Et en profitent pour interroger le féminin. Passionnant.