Nahid

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Dans Nahid, la jeune réalisatrice  iranienne Ida Panahandeh aborde l’amour contrarié d’une femme divorcée pour un homme veuf. Un premier film subtil, très réussi.

Femme divorcée, femme sans avenir ?

En Iran, dans une petite ville portuaire au bord de Mer Caspienne, Nahid vit enfin l’amour ! Elle a rencontré Massoud, un homme bien, responsable, qui veut l’épouser. N’importe qui sauterait sur l’occasion. Pas Nahid, qui cache un secret qu’elle n’arrive pas à lui dévoiler.

Divorcer ou élever son fils? 

Nahid a eu un fils de son précédent mariage. En divorçant, elle a négocié la garde de son petit garçon – allant ainsi contre la tradition iranienne – en échange d’une promesse : qu’elle ne sera remarierait pas.

Pejman Bazeghi (Massoud) et Sareh Bayat (Nahid) dans Nahid

Pour sauver les apparences, Nahid et Massoud vont trouver un arrangement et s’engager dans un mariage temporaire, une particularité (une hypocrisie ?) locale qui permet de s’unir un quart d’heure, un jour, un mois… bref, en CDD renouvelable. Ce qui ne sera évidemment pas du goût de tout le monde.

Nahid et son libre-arbitre

L’Iran est un pays de cinéma complexe, aussi attirant que repoussant pour qui s’intéresse aux femmes (aux hommes) et à leur liberté. A priori, l’absence de libre arbitre de Nahid est révoltant. Pourquoi n’aurait-elle pas le droit d’être heureuse, auprès de l’homme qu’elle aime et qu’il l’aime ? Parce qu’elle a dit oui à un mariage arrangé quand elle était jeune ? Parce qu’elle a eu un enfant ? Parce qu’elle veut l’élever ? Parce que son ex-mari est irresponsable ? Son frère et sa famille trop traditionnels ?

Milad Hossein pour (Amir Reza, le fils) et Navid Mohammad Zadeh (Ahmad) dans Nahid

Mais, Nahid ne revendique rien. Si elle aime Massoud, elle est aussi velléitaire. Et préfère le décevoir, lui mentir, plutôt que de lui expliquer ses errances, ses émotions. Elle accepte ls bague sans broncher… pour mieux la revendre et s’acheter un canapé qui lui donnera une assise à défaut de la vie confortable qu’il lui offre.

Une mise en scène lucide

La force de ce premier film magnifique signée de la jeune cinéaste Ida Panahandeh est la parfaite distance qu’elle parvient à ériger entre les dilemmes cornéliens auxquels sont confrontés ses personnages et la sagesse, l’épure de sa mise en scène… un peu comme quand elle lui fait traverser dans un petit bac la rivière qui sépare les deux vies de Nahid, l’officielle, bancale, laborieuse et l’officieuse, celle qui l’oblige à se cacher.

Sareh Bayat est Nahid

De plus, tous ses personnages sont ambivalents : Nahid ment, son ex est une petite frappe, son fils suit les pas de son père… Seul Massoud, veuf et chef d’entreprise respectable, reste digne et droit. Mais, sa patience pourrait bien avoir des limites.

Nahid : un premier film superbe

Dans la lignée d’Une séparation d’Asghar Farhadi lui abordait un autre travers de la société iranienne contemporaine à travers là encore l’histoire d’un couple confronté à une rupture (et dans lequel Sareh Bayat jouait déjà et incarnait la bonne), Nahid s’invite comme l’un des plus beaux témoignages, la découverte d’un univers de subtilités et d’émotions rarement atteints dans un premier film. Bravo !

D’Ida Panahandeh, avec Sareh Bayat, Pejman Bazeghi, Navid Mohammadzadeh…

2015 – Iran – 1h45

Nahid, sélectionné à Un Certain Regard au Festival de Cannes 2015, a reçu le Prix de l’avenir.

Lire aussi l’interview d’Ida Panahandeh.

© Habib Madjidi

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