Ma vie de courgette – Cannes 2016
Quand sa forme rentre en conflit avec son fonds, aussi profond et intelligent soit-il, un film est raté. Dans le cas de Ma vie de courgette de Claude Barras, l’ensemble est surtout choquant. Voilà pourquoi.
De grandes espérances
Autobiographie d’une courgette qui traite des enfants maltraités et de leur résilience, est un livre à succès de Gilles Paris plusieurs fois réédité. Même s’il raconte les événements du point de vue d’un enfant de 10 ans, le livre s’adresse, selon lui, à de (jeunes) adultes. Surtout, un livre, parce qu’il ne montre rien, crée de fait un nécessaire recul.
Ce n’est pas le cas de l’animation en marionnette choisie par Claude Barras, le réalisateur de son adaptation au cinema, pour ce qui restera son premier film. Des marionnettes, aux têtes énormes et aux traits hypertrophiés assument donc les rôles des enfants vedettes. Elles positionnent de fait ce film comme étant à destination des enfants, plutôt jeunes, bien que ces héros-marionnettes annoncent avoir une dizaine d’années dans le dessin animé.
Ma vie de courgette, un dessin animé profond mais trop dur
Or, le propos du film ne s’adresse absolument pas aux jeunes enfants. Le début du film, notamment, est extrêmement dur. Icare, qu’on surnomme Courgette, vit entre les canettes de bière que sa mère a vidées, l’absence d’un père attiré par les « poules » et les cerfs-volants qu’il s’invente comme jeu.
Un jour qu’il énerve sa mère bourrée, disons plus que de coutume, et involontairement, il la tue. Un policier, gentil, l’emmène dans un orphelinat où il est chaleureusement accueilli par les adultes et bizuté par Simon, le jeune « leader » du groupe. Tous ses camarades de l’orphelinat ont une lourde histoire familiale dont ils s’arrangent comme ils peuvent – les cas sont plus ou moins expliqués dans le film-. La vie de Courgette va soudain prendre des couleurs quand arrive Camille, une nouvelle pensionnaire.
Ma vie de courgette : le récit d’enfances très difficiles
Le scénario de ce dessin animé a été écrit par Céline Sciamma. Réalisatrice remarquée de la Naissance des pieuvres, du très réussi Tomboy et du très médiocre Bande de filles, elle sait y faire en enfance difficile. Certes… À condition que le film s’adresse à des adultes, même jeunes.
Si l’histoire de Courgette est intéressante et plutôt bien écrite, elle part d’un postulat tellement difficile, culpabilisant – celui d’un enfant abandonné par son père qui tue sans le vouloir sa mère alcoolique et négligente- que le dessin animé ne peut pas s’adresser à de jeunes enfants. Non pas parce qu’il faut les protéger à tout prix mais parce que c’est difficilement concevable, sûrement traumatisant et qu’ils ne vont pas au cinema pour ça. Un film se discute après (et dans ce cas, ce sera une fois le choc passé).
De la résilience
D’autant que le film présente longtemps les adultes comme dangereux pour les enfants, et ce n’est qu’au deux tiers du film que certains – ils restent minoritaires- obtiennent une certaine crédibilité et une empathie pour les plus jeunes.
Bien sur, le film traite de la résilience et propose donc une vision plus heureuse de la vie de ces petits au fil du récit (et encore pas pour tous), mais justement la rupture est vécue comme un adoucissement du propos – c’était tout de même délicat de faire de l’orphelinat un nouvel enfer à vivre-, comme si l’histoire se rattrapait un peu d’avoir été si dure à ses débuts.
Du coup, et malgré le sérieux du propos, un contenu sans doute nécessaire à adapter au cinema, mais dans une forme qui s’adresse à un public capable de prendre ses distances, donc plus adulte, Ma vie de Courgette aurait pu être une vraie réussite – même si le graphisme est un peu rigide. On se retrouve ici dans la situation d’un autre dessin animé français, magnifique pourtant et intéressant mais aussi traumatisant (moins qu’ici) , Le jour des corneilles, qui malgré ses qualités n’a jamais réussi à trouver son public. Ce qui reste un problème.
De Claude Barras, avec les voix de Gaspard Schlatter, Sixtine Murat, Paulin Jaccoud, Michel Vuillermoz…
2016 – France – 1h06
Ma vie de courgette de Claude Barras est présenté à la Quinzaine des réalisateurs et a raflé plusieurs prix (souvent du public) dans de nombreux festivals notamment au Festival International d’Animation d’Annecy.
Maxime
18 mai 2016 @ 21 h 18 min
Vous n’avez rien compris a ce film !
Et en plus vous semblez avoir des problèmes de syntaxe.
Véronique LE BRIS
19 mai 2016 @ 11 h 40 min
Et vous, vous l’avez compris ce film?
Maxime
23 mai 2016 @ 10 h 04 min
Je vous rappelle que dans « Le roi Lion » la mort du père est causée pas son fils et ce n’est pas plus traumatisant que cela pour les enfants.. Je citerai aussi Bambi, l’ours et de nombreux autres films ou le postulat de départ est souvent dramatique. Les enfants sont tout a fait capable de voir ces films.
Les adultes dans courgette ne sont pas tous nocifs. Raymond, madame Papineau, monsieur Paul et Rosie interviennent tous des la deuxième séquence et non pas au tiers du film.
Ce film nous épargne également tous les poncifs sur les difficultés d’un foyer et parle de reconstruction. Peut être que ce qui vous gêne est la façon dont la sexualité est abordée non…??
Véronique LE BRIS
23 mai 2016 @ 11 h 31 min
Ahahaha! L’attaque en dessous de la ceinture, j’aurais dû m’y attendre 😉 La sexualité est abordée simplement de manière presque romantique. En quoi puis-je être choquée? (à moins que vous fassiez référence à la petite fille abusée ? ce qui renforcerait mon propos )
Je pense que vous avez mal lu ma critique : en tant qu’adulte, je trouve ce film intéressant (même si l’univers graphique ne me plait pas beaucoup). Je trouve en revanche choquant de le proposer, sans préambule, à des enfants jeunes (moins de dix ans, or à 10 ans, aller voir ce genre de dessin animé ne les intéresse plus beaucoup), ce que suggère la forme – les marionnettes, un peu grotesques- choisie. Je sais aussi que les parents, souvent par commodité, ne suivent pas les recommandations par âge, mon rôle est de leur éviter des disconvenues et donc de les prévenir.
Et vous avez tort sur deux points : les films que vous citez sont des contes, peu réalistes et éloignés de l’univers quotidien des enfants d’ici, donc ils comprennent immédiatement qu’il y a une distance entre les personnages et eux (des animaux, en Afrique etc..) et cela même si toute une génération a été traumatisée par la mort de la mère de Bambi (moi, la première) alors que Bambi n’y est pour rien. Deuxième point, les adultes sont nocifs, certains moins que d’autres certes. Le personnel du foyer peine quand même à se rendre compte de la maltraitance de la tante de Camille, puisque ce sont les enfants qui s’arrangent pour qu’elle ne puisse pas avoir la garde de sa nièce – et Raymond, qui certes se rachète, a abandonné son fils… C’est quand même une lecture particulièrement sombre des choses, non ?
Le cas s’est déjà posé pour Le Jour des Corneilles (beau film, grave et attendrissant, mais très dur aussi, adapté d’un livre merveilleux) mais qui n’a pas pu trouver son public, parce qu’il n’existe pas vraiment. Or, sortir un film est certes un travail de longue haleine mais aussi une responsabilité par rapport au public, surtout enfantin. J’espère me tromper pour Ma vie de Courgette, mais je crains un vrai décalage entre l’emballement du monde du cinéma (critique en particulier) et le public.
J’aurais été curieuse de voir ce que Garri Bardine aurait fait d’un tel thème. Et je pense qu’il aurait abordé plus subtilement, avec un double niveau de langage qui aurait été plus sain. Ici, ce n’est pas le cas.
David
28 mai 2016 @ 16 h 40 min
Comment, qui, où, quoi ? ouais mais et les enfants dans tout ça ?
David
28 mai 2016 @ 16 h 48 min
ils sont choux ? non ? j’ai vu le film à cannes, j’ai pleuré. Moi j’aime les enfants.
Véronique LE BRIS
28 mai 2016 @ 17 h 46 min
Tant mieux, David!!
Maxime
4 juin 2016 @ 16 h 16 min
Salut Véro,
Après tout si vous voulez une place au comité de classification du CNC, je vous propose de leur faire parvenir votre CV. A la projection du Forum des images il y avait des enfant et ils ont aimé.
Petit rappel Raymond n’a pas abandonné son fils , c’est le contraire. Je vous cite même la réplique « Parfois c’est les enfants qui abandonnent leurs parents.
Pour la tante et la non réaction des adultes c’est votre point de vue mais il ne faut oublier l’importance d’un ressort dramaturgique dans un film sinon c’est aussi plat q’un tutoriel de maquillage.
Dernier point de désaccord, l’univers graphique ne vous plait peut être pas – et c’est votre droit – mais la lumière est tout de même magnifique.
A bientôt Véro 😉
marinaeje
27 février 2017 @ 16 h 35 min
J’entends votre point de vue même si je ne le partages pas. Malheureusement cette vie n’est pas si loin de ce que vivent des enfants tous les jours, ce côté sombre existe c’est une triste réalité mais une réalité, la cacher en pensant préserver les enfants ne me semblent pas la bonne solution autant les accompagner dans cette découverte des tous les côtés de la vie le pire comme le meilleur, ca reste une animation ce qui marque la distance pour l’enfant. Ce qui gêne les gens c’est de voir que ca existe et tous les jours et près de nous, je pense que certains enfants tout comme le côté cathartique du conte pourront peut être se servir de cette histoire pour relativiser et ou comprendre la leur, je vais me procurer le film pour le montrer aux enfants avec qui je travaille dans mon foyer j’ai hate d’entendre leurs réactions.