Les pionnières du cinéma muet

Share

La Fondation Jérôme Seydoux-Pathé consacre sa rentrée aux femmes. Avec une exposition sur les Muses des années 1930 à 1945 et un cycle dédié aux pionnières du cinéma. Elvira Shahmiri, chargée de programmation et d’exploitation à la Fondation Jérôme Seydoux Pathé, nous présente cette rétrospective inédite.

Les débuts du cinéma au féminin

Du 29 août au 25 septembre 2018, la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé s’intéresse pour la première fois aux pionnières du cinéma.

Les pionnières du cinéma muet à la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé - Cine-Woman
Elvira Shahmiri, chargée de programmation et d’exploitation à la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé

Elle révèle le travail d’une dizaine de réalisatrices ou productrices qui ont brillé aux prémices de ce nouvel art avant d’être plus ou moins oubliées. Ce cycle Pionnières du cinéma muet diffuse donc une partie du travail des françaises Alice Guy, de Germaine Dulac, de Musidora, de Renée Deliot, de Colette ou de Marie Epstein, des américaines de Loïs Weber, de Mary Pickford, d’Alla Nazimova et de Mabel Normand et de la suédoise Karin Swanström.

 

 

Elvira Shahmiri, chargée de programmation et d’exploitation à la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé, nous explique ces choix.

Est-ce l’actualité qui vous on convaincu de montrer les films de ces pionnières du cinéma?

Elvira Shahmiri : L’actualité nous a inspiré mais cela faisait longtemps qu’on voulait faire un cycle sur les femmes. Nous en avions déjà consacré aux actrices mais jamais sur les femmes d’influence, entreprenantes du cinéma. Le travail de restauration de Lobster – qui vient de sortir un coffret dvd consacré aux pionnières du cinéma- était une bonne occasion. 

Pourquoi ? 

E.S : Pour construire ces cycles, nous avons besoin de films. Or, l’accès aux copies est difficile. Certains oeuvres n’existent plus. D’autres ne peuvent pas être projetées. Parce qu’elles ne sont ni restaurées, ni  numérisées. Il nous faut attendre que le travail de restauration soit fait. Ce qui a été le cas pour les oeuvres de Loïs Weber et de Germaine Dulac. Leurs films n‘étaient pas visibles avant.

Les pionnières du cinéma muet à la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé - Cine-Woman
Madame a des envies d’Alice Guy

2018 célèbre aussi les 50 ans de la disparition d’Alice Guy. Elle est un exemple parfait, la première pionnière qu’on redécouvre depuis 4 ou 5 ans ! Gaumont Pathé Archives a restauré une partie de ses films. C’était donc le moment idéal pour proposer ce cycle.

Quels sont vos liens avec Gaumont Pathé Archives?

E.S : La Fondation Jérôme Seydoux-Pathé a vocation à gérer les archives papier de Pathé. Mais depuis trois ou quatre ans, Pathé a cédé son catalogues de fictions muettes qui est géré commercialement par Gaumont Pathé Archives.

Ne voit-on que des films Pathé dans ce cycle?

E.S : Non. Nous essayons bien sûr de mettre en valeur les films Pathé mais nous nous ouvrons à d’autres collections. On ne pouvait clairement pas se passer d’Alice Guy, puisque c’est la première. Or, c’est une artiste Gaumont.

Les pionnières du cinéma muet à la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé - Cine-Woman
La cigarette de Germaine Dulac restauré par Lobster Films

Pourtant, les films d’Alice Guy que vous proposez sont produits par la Solax, sa société américaine. Ce n’est pas sa période Gaumont.

E.S : Le cycle comprend deux programmes constitués avec ses films Solax. Mais tous les autres programmes commencent par un film d’Alice Guy de sa période Gaumont. C’est la pionnière la plus représentée, en commémoration de sa disparition et pour saluer le fait que c’est elle qui a commencé. C’est notre façon de lui rendre hommage à chaque séance.

Comment s’est opéré votre choix pour les autres pionnières? 

Les pionnières du cinéma muet à la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé - Cine-Woman
Mary Pickford à la caméra en 1916

E.S : Leur durée est variable. Nous avons quelques longs métrages – ceux de Germaine Dulac, qui a été distribué par Pathé, ou de Loïs Weber. Ou de longs courts métrages comme ceux de Mabel Normand qui durent une vingtaine de minutes.

Comment s’est opéré votre choix?

E.S : De manière pragmatique ! Nous choisissons les films parmi ceux auxquels nous avons accès. A partir d’une longue liste de départ, une sélection naturelle s’opère. Ce cycle ne pouvait être être exhaustif mais nous avons de vraies têtes d’affiches : Germaine Dulac, qui a été distribué par Pathé, Loïs Weber, Mabel Normand

 

Qui manque à l’appel ?

E.S : L’italienne Elvira Notari. Les copies de ses films ne sont pas disponibles ou pas encore restaurées. Quel dommage! Sinon, nous programmons quatre films de Musidora, actrice, et seulement un fragment d’un de ses films de réalisatrice. Ses autres films sont tous en cours de restauration. Nous les programmerons à l’occasion d’un autre cycle.

Avez-vous constaté que les films de réalisatrices intéressent moins les programmes de restauration que ceux des réalisateurs?

Les pionnières du cinéma muet à la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé - Cine-Woman
Alla Nazimova

E.S : C’est vrai que l’histoire du cinéma a longtemps oublié ces pionnières. Il y a encore quelques temps, personne ne connaissait Loïs Weber qui a pourtant été la personne la mieux payée d’Hollywood à son époque! Mais, l’étude de l’histoire du cinéma est, elle aussi, une matière assez récente. Naturellement, on va à ce qui est le plus emblématique. Ces pionnières refont surface aujourd’hui. Le cas typique, c’est Alice Guy qui commence même à être connue du grand public.

Et pour les autres? 

E.S : Concernant Germaine Dulac, Musidora, Lois Weber, Alice Guy, Elvira Notari… tout le travail vient d’être fait ou est en train de l’être. L’histoire de leur réhabilitation passe par l’accès à leurs films. Il faut qu’ils soient restaurés pour cela.

Au final, combien de films montrez-vous et dans quelles conditions?

E.S : On en montre une trentaine, des courts – certains très courts- et des longs métrages. Un seul est sonore. Il s’agit de Le cinéma au service de l’histoire de Germaine Dulac, qui est un montage de films d’actualités sur lequel elle discourt. Toutes les autres séances sont accompagnées au piano, par des élèves de la classe d’improvisation de Jean-François Zygel avec qui nous avons un partenariat. A raison de deux séances par jour, trois le mardi. 

Propos recueillis par Véronique Le Bris

© Gaumont-Pathe-Archives; Lobster-films
(Visité 1 507 fois, 1 visite(s) aujourd'hui)
Share