Dallas Buyers Club
L’Amérique ordinaire
Jean-Marc Vallée aime les destin forts de personnes ordinaires. Dans « C.R.A.Z.Y », son deuxième film, celui qui l’a fait connaître, il suivait un jeune garçon qui peinait à trouver sa place dans une fratrie écrasante et auprès d’un père envahissant.
La vie envoie des épreuves
Dans « Café de Flore » avec Vanessa Paradis, il s’intéressait à une femme dont la vie prenait du sens auprès de son enfant trisomique. Ici, pour son premier film américain, il suit à la trace Ron, un cow boy de Dallas pas dégrossi, qui apprend le respect des autres et la tolérance quand il découvre qu’il a le Sida.

Sans subtilité aucune, Ron tombe littéralement de sa selle quand il apprend qu’il est séropositif et qu’il ne lui reste que 30 jours à vivre. Quoi, lui, le mec viril qui buvait sa bière au comptoir et s’enfilait joyeusement des putes au fond de son mobile home, aurait la maladie des PD !
Le flou du fléau
On est en 1985 et personne n’a encore vraiment cerné le sida. On tâtonne sur les traitements, l’AZT a plus d’effets secondaires que bénéfiques. Et Ron va justement profiter de ce flou pour tester de nouvelles thérapies.

Grâce à elles, il tiendra 7 ans avant de rendre l’âme et prolongera la vie de nombreux infectés par le virus, la plupart issue de la communauté gay qu’il exécrait quelques années auparavant. Et puis, il va lutter contre les administrations américaines et les laboratoires pharmaceutiques pour les contraindre à améliorer les traitements.
Pauvre type
Voilà typiquement un film qui n’aurait jamais pu être tourné en France. Parce que ce genre de héros n’existe pas ou n’est pas glorifié chez nous, parce que lutter contre les autorités est à peu près sans issue ici, parce que remettre en cause l’ordre des choses en se faisant de l’argent est d’une immoralité inacceptable.

Ron est un péquenot et la leçon de vie qui lui est servie, il la prend par hasard. Qu’importe… Lui veut vivre et à n’importe quel prix. En fait, tout ce qu’il fait pour les autres, il le fait d’abord pour lui, juste pour ne pas crever. Un parfait anti-héros, en somme, antipathique. Mais, c’est justement ce qui est intéressant dans le film, un peu comme l’était Erin Brokovitch à son époque. Ils n’ont rien pour eux, on s’en détournerait si on les croisait mais ils vont changer le monde.
La vertu de l’opportunisme
Mais, c’est aussi la limite du sujet du film. Quel crédit leur apporter puisqu’ils n’avaient aucune ambition et aucun atout pour y arriver. Et c’est incontestablement ce qui nous met mal à l’aise : on n’y croit pas, on aimerait adhéré à la cause de Ron mais son opportunisme à tout prix nous détourne constamment de lui. Et non, Ron, la fin ne justifie pas tous les moyens !

Dallas Buyers Club est un des super favoris des prochains Oscars. Peut-être que Matthew McConaughey, qu’on a revu récemment dans Muds, raflera la statuette. Il se met en danger comme jamais dans ce rôle, devenant au fil des scènes un cadavre ambulant d’un maigreur effrayante. Pourtant, son jeu reste un peu linéaire, comme dans Muds, un peu gouailleur, un peu racoleur et finalement un peu trop travaillé, don faux pour être honnête.
Super Leto
Je préfère de loin l’interprétation sur le fil de Jared Leto, lui aussi maigrissisme qui impose le charisme de son personnage, sans jamais en faire trop.
De Jean-Marc Vallée, avec Matthew McConaughey, Jennifer Garner, Jared Leto
2013 – Etats-Unis – 1h57
copyright-Dallas-Buyers-Club-LLC-2013

Outre cet ultra-égocentrisme déjà malsain, l’autre aspect abject du film est son impudeur et son indécence permanentes. On ne sent aucune distance de la réalisatrice par rapport à ce qu’elle raconte et qui s’avère être sa vie. Et même si elle pratique un peu l’humour à ses dépends (quand elle est à l’hôpital pour sa FIV par ex ou à Naples pour s’asseoir sur un fauteuil qui favorise de fertilité), elle ne perçoit pas, semble-t-il, que ses démarches correspondent à des pulsions très égoïstes, à des caprices pour ne pas dire des passe-droits qu’elle s’arroge parce qu’elle est comme ça, issue d’un cocon gâté, richissime qui la coupe du monde et de la réalité.
D’autres, Visconti pour ne citer que lui, ont déjà traité le sujet de la faillite financière et morale de ces familles avec un autre pertinence, et cela bien qu’il en soit lui-même issu. Là, on la regarde le nez collé à la vitre d’un monde qui n’a aucune empathie pour nous, avec l’impression malsaine de les voir s’ébattre, se plaindre, dégénérer, parader aussi sans complexes. Comme si leur vie pouvait être plus intéressante que la nôtre. Mais non, elle est seulement pathétique et le regard de la réalisatrice, complaisant. Rien de plus.
Au hasard d’une de ses liaisons amoureuses, Scott, un petit gars de Wisconsin très beau garçon, rencontre Liberace, un pianiste, une star spectaculaire qui se produit à Las Vegas. Liberace est richissime, extraverti, homosexuel (non revendiqué officiellement même si cela semble difficilement à croire aujourd’hui) à la libido épanouie. Scott est plus réservé mais il finit par se laisser séduire par l’homme, par sa vie fastueuse et par tomber très amoureux. Mais, évidemment la belle romance finit par se gâter… et après plusieurs tempêtes les deux hommes se séparent. Liberace tombe malade et meurt du sida en 1987.
On attendait plus de Soderbergh pour la fin de sa carrière, un film plus surprenant, plus époustouflant, plus innovant aussi et de facture moins classique.… Un sujet qui parle plus de son époque, qui manie avec plus d’intensité une mise en scène impeccable avec un thème déroutant. Peut-être le prochain.