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Réparer les vivants

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Rares sont les films de cinéma médicaux alors que la TV en regorge. En adaptant Réparer les vivants, le livre ultra-primé de Maylis de Kerangal,  Katell Quillévéré franchit ce nouveau cap et s’affirme comme une réalisatrice résolument moderne.

La vie tient à un coeur

Un surfer de 17 ans, sportif, en pleine forme, meurt brutalement. L’hôpital convainc ses parents de prélever les organes qui serviront à d’autres. Une femme, mère de deux grands garçons du même âge que le donneur, a justement un cœur défaillant.

Gabin Verdet (Simon)

Dit comme cela, le film comme le livre tient sur un fil. Celui de la Vie. Et malencontreusement, celui de la mort prématurée d’un jeune homme au coeur débordant de sentiments et d’énergie. Mais, évidemment, ce qui importe ici est la manière dont cette histoire fondamentale de transmission vitale est racontée. Et c’est via une transplantation cardiaque décrite de manière chirurgicale que l’auteure et la réalisatrice ont choisi de s’exprimer.

Un parti pris chirurgical

Comme le livre, le film commence par une bouffée d’air frais qu’on ne retrouvera plus jamais ensuite. Simon quitte sa petite amie pour aller surfer avec ses copains dans les vagues de l’aurore. Sur la route du retour, ils sont victimes d’un grave accident, superbement mise en scène dans le film. Simon est victime d’une grave hémorragie cérébrale qui laisse son cerveau atone et son corps parfait.

Gabin Verdet (Simon) et Galatea Bellugi (Juliette)

Il n’y a aucun espoir qu’il revienne à la vie. L’équipe médicale de réanimation suggère à ses parents un don de ses organes vitaux qui ont tous été épargnés par le choc. Et cette négociation, cette décision forcément longue à prendre que décrit avec minutie le film, et encore plus le livre.

Réparer les vivants, une histoire de coeur

L’adaptation de Katell Quillévéré est littérale, premier degré, sans cynisme ni recul. Comme dans le livre de Maylis de Kerangal, elle prend le temps de décrire ses personnages, le contexte de leur existence, de s’attarder sur leurs silences et leurs hésitations, sur leurs failles aussi. Leur psychologie éclate par leurs attitudes, jamais par des explications ou des dialogues démonstratifs. Mais, les personnages ont toutefois trop nombreux pour qu’on y voit pas un exercice de style. L’histoire de l’infirmière est de trop par exemple, du coup elle semble artificielle.

Bouli Lanners (Pierre Révol) et Tahar Rahim (Thomas Remige)

Très fidèle à l’esprit du livre dans sa narration même, du moins dans la longue première partie,  le film relate ensuite en détail la manière dont une transplantation cardiaque s’organise, l’urgence à agir sans brusquer les décisions des principaux concernés. Il montre frontalement l’opération et cette transmission médicale de la vie d’une personne à une autre.

Des images crues 

C’est en cela que ce troisième opus de Katell Quillévéré est à la fois original – car cela a été peu montré au cinéma – mais aussi banale tant ces images ont été diffusées à la télévision, dans les reportages, les documents ou les téléfilms américains médicaux programmés à saturation il y a quelques années.

Kool Shen (Vincent) Gabin Verdet (Simon) et Emmanuelle Seigner (Marianne)

Si, dans le livre au titre volé à Platonov de Tchekov, ce parti pris cru semblait inédit, il l’est, de fait, moins à l’image. La deuxième partie est plus émouvante. Peut-être parce qu’elle se détache du livre, qu’elle s’approprie mieux cette histoire, qu’elle parvient à s’extraire de la plume puissante de Maylis de Kerangal.

Une réalisatrice moderne

Cela n’empêche pas le film d’être intéressant et bien filmé, ni même parfois d’inviter l’émotion dans quelques scènes plus furtives : celle de la rencontre entre Simon et sa petite amie Juliette ou celles des hésitations de Claire à prolonger une vie qui lui semble ne plus être tout à fait la sienne.

Gabin Verdet (Simon) et Tahar Rahim (Thomas Remige)

En choisissant ce sujet et en le traitant frontalement, Katell Quillévéré s’affirme encore un peu plus comme une réalisatrice de son époque, qui creuse un sillon nouveau dans le cinéma français. Celui d’une énergie vitale ancrée dans la réalité d’aujourd’hui, déjà perceptible dans Suzanne, son film précédent.

Dominique Blanc (Lucie Moret)

C’est déjà formidable, comme le sont tous les acteurs auxquels fait appel ce film choral :  Bouli Lanners, Emmanuel Seigner, Dominique Blanc et Anne Dorval au premier chef.  Comme l’est aussi la manière dont elle glisse subtilement le message humaniste de son film, contenu dans la chanson du générique : « nous avons besoin des autres ».

De Katell Quillévéré avec Tahar Rahim, Emmanuelle Seigner, Anne Dorval, Bouli Lanners, Kool Shen, Alice Taglioni, Gabin Verdet, Dominique Blanc..

2016 – France – 1h40

Réparer les vivants de Katell Quillévéré a été sélectionné à la Mostra de Venise 2016 et au Toronto International Film Festival.

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