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Mektoub my love : canto uno

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Avec Mektoub my love : canto uno, Abdellatif Kéchiche interroge le désir et l’incapacité d’y succomber. Passionnant.

J’aime regarder les filles…

Cinq ans après La Vie d’Adèle et un paquet de polémiques (avec Léa Seydoux, les équipes de tournage, France TV etc.), Abdellatif Kéchiche revient avec un nouveau film et son lot de scandales. Mektoub my love : canto uno a été présenté à la Mostra de Venise en septembre 2017 et a soigneusement esquivé le Festival de Cannes qui l’avait pourtant palmé en 2013.

Ophélie Bau (Ophélie) et Shaïn Boumedine (Amin)

Ce nouveau film, long (près de trois heures), sera décliné, selon Kechiche, en plusieurs chapitres – le deuxième serait déjà en montage. Il est très librement inspiré de La blessure, la vraie, le livre d’une autre référence cannoise : François Begaudeau. Il s’y remémorait, dans un mélange d’autobiographie et d’observation, un été déterminant, celui de ses 15 ans, dans les années 1980, sur les plages vendéennes.

L’été sera chaud

Pas de Vendée, ni de rivages atlantiques chez Kechiche qui plante son film à Sète. Amin y revient comme chaque année pour l’été. Étudiant à Paris, il a laissé tomber médecine pour une carrière encore en gestation de scénariste, de cinéaste et de photographe. Dès qu’il arrive, il cherche à revoir Ophélie, une éleveuse de chèvres et de brebis, qu’il connaît depuis toujours. Il la trouve facilement et découvre un secret qui va rythmer son été.

A Séte, en 1994, on profite de la plage en groupe

A Sète, il fait chaud. La mer tend les bras. Tout le monde se retrouve le jour à la plage, le soir dans les bars de la ville. Un des points de ralliement est même le restaurant de la famille d’Amin.  On boit, on discute, on drague, on danse… Enfin, toute cette bande de jeunes aux contours élastiques qui se séduit et qu’observe Amin, tout en en faisant partie. Mais, en tant que confident et amoureux transi de la pulpeuse Ophélie, il se tient à distance.

Un cinéaste mateur

Il ne se passe pas grand chose dans Mektoub my love : Canto uno. Seulement l’essentiel : la vie. Avec une certaine insouciance révolue – le film se déroule en 1994 et ne pourrait plus, aux dires du réalisateur, se passer tel quel aujourd’hui- que prend le temps de filmer Abdellatif Kechiche. La vie, l’amour, le désir, l’impossibilité d’y succomber et la tentation à portée de main.

Lou Luttiau (Céline) et Ophélie Bau (Ophélie)

Dans ce film sensuel et solaire, Abdellatif Kechiche renoue avec ses habitudes : il laisse courir le temps. Ses scènes sont longues (parfois trop, comme celle, finale, de la boîte de nuit). Comme toujours chez lui, les filles sont au coeur du sujet. Elles sont jeunes, belles, au sourire éclatant. Leur corps bronzé, sculpté sort des standards habituels : elles ont des formes, des fesses énormes que matent, sans vergogne, les hommes du film et surtout le cinéaste-voyeur, des seins aussi boostés dans des bikinis riquiqui…

Ophélie Bau (Ophélie) irradie Mektoub my love : canto uno

Mais, sont-elles ses proies ou regorgent-elles seulement de sensualité ? Les plus âgées jugent un peu, cancanent un peu tout en revendiquant une liberté aujourd’hui plus contenue.

« Amin, c’est moi »

Le réalisateur s’y attarde, bien plus que sur les corps masculins, avec une insistance qui peut sembler lourde. En revanche, il n’abuse pas des scènes d’amour – il n’y en a qu’une au tout début, charnellement filmée toutefois-. Son attitude de voyeur diffère en cela de celle de son héros, Amin, empêché, de prendre part à ce festin estival.

Shaïn Boumedine (Amin)

Bien que personnage principal, Amin est en retrait. Sa beauté et sa réserve dictent le récit de tout le film. C’est un nouveau venu, Shaïn Boumedine qui interprète Amin, et il est parfait. A la fois beau, souriant, il parvient à donner l’illusion qu’il est un peu Kéchiche jeune, dans sa position d’observateur frustré, mais aussi François Bégaudeau, dans son attitude réservée.

Mektoub my love : un film solaire

Comme lui et comme toujours chez Kechiche, les interprètes sont fabuleux. Ils sont naturels, radieux, semblent aussi à l’aise devant sa caméra qu’ils le seraient dans la vie. D’ailleurs, c’est leur vie qu’ils semblent jouer. La révélation est incontestablement la belle Ophélie Bau, mais Lou Luttiau, Alexia Charfard ou Hafsia Herzi, qui revient après La graine et le mulet, tiennent leur partition haut la main.

Il faut dire que le filmage les met en valeur. Le film est porté par une lumière absolument remarquable, une luminosité hors du commun. Abdellatif Kechiche explique que c’est ce travail sur la lumière qui lui a pris le plus de temps. Avec son directeur de la photo, Marco Graziaplena, il a parfois débuté un scène sur une plage de Sète et l’a poursuivie  sur la riviera espagnole sans que le spectateur ne s’en aperçoive.

Une bulle de champagne

Mektoub my love : canto uno porte un titre étrange en trois langues qui regroupe à la fois le destin, l’amour et signifie qu’une deuxième partie, voire plus, est en cours. Mais c’est surtout une ode à la sensualité et au désir, un film qui se déguste comme un tube d’été ou une menthe à l’eau, un jour de canicule. Même si son sujet reste grave et troublant.

d’Abdellatif Kechiche, avec Shaïn Boumedine, Ophélie Bau, Salim Kechiouche, Lou Luttiau, Alexia Chardard, Hafsia Herzi…

2017- France – 2h54

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