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Le passé

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Pour Asghar Farhadi, le réalisateur iranien d’Une séparation, le passé, ce sont tous les liens de votre vie qui vous entravent, qui vous empêchent d’avancer, d’aller de l’avant. C’est aussi le sujet de son sixième film.

Les rênes de l’avenir

Marie, une jeune pharmacienne à la vie sentimentale bien remplie, convoque son ancien mari iranien pour qu’il signe, quatre ans après leur séparation, l’acte de leur divorce.

Bérénice Bejo

En revenant ainsi sur les traces de son ancienne vie, en France, Ahmad devient le catalyseur de règlements de compte qui vont troubler Marie dans le passage à la nouvelle étape de sa vie. Il est l’empêcheur de tourner en rond ou plutôt celui qui l’empêche de reproduire une fois encore le modèle de vie amoureuse qui fut le sien jusqu’alors : une rencontre, une histoire d’amour, un enfant (pas à chaque fois) et une séparation. Car, Marie est déjà passée à une autre histoire :  elle est déjà à moitié installée avec Samir dont l’histoire familiale n’est pas simple non plus.

Le passé, miroir d’Une séparation

Après le succès mérité mais surprise d’Une séparation (plus d’un million d’entrées en France et une moisson de récompenses dont un oscar), le nouveau film d’Asghar Farhadi était attendu. D’autant qu’il était annoncé comme mêlant les deux cultures, l’iranienne et la française, en se situant en France avec un trio de rôles principaux revenant à Ali Mosaffa, Bérénice Bejo et Tahar Rahim.
Tahar Rahim, Bérénice Bejo et Ali Mosaffa
Evidemment, il manque à ce film-ci la découverte d’un univers, du fonctionnement d’un pays qui faisait une grande partie du sel d’ Une séparation : l’aberrante bureaucratie iranienne, le poids de la morale (religieuse ou non) érigée en système, la corruption, les poids des classes sociales et évidemment le statut de la femme en Iran. Mais, l’enchaînement de situations, qui sont à première vue banales mais deviennent un enfer kafkaïen, est à peu près de la même tenue ici. Sauf que les enjeux sociétaux sont différents (forcément plus familiers pour nous).
Ali Mosaffa et les enfants
Et ce qui nous avait séduits, nous français, dans Une séparation est, en miroir, ce qui a sans doute intéressé Farhadi  pour Le passé : à savoir la vie apparemment émancipée d’une occidentale capable de multiplier les pères et les amants sans que personne ne la juge de ce point de vue-là. De même, on pourrait voir dans Le passé, une sorte de suite à Une séparation, d’autant que l’acteur principal, Ali Mosaffa, ressemble beaucoup et physiquement, et dans les traits de son personnage au héros du film précédent.

Le passé dicte l’avenir

Selon le même principe, un peu lent, d’Une séparation, avec une situation de départ d’une même banalité -un ex revient pour un court moment dans son ancienne vie- , à laquelle s’ajoute une succession de petits événements qui vont transformer sa vie en un enfer, la situation devient inextricable. En arrivant, Ahmad apprend que si Marie tient tant à officialiser leur divorce, c’est parce qu’elle a besoin de recouvrer son entière liberté pour refaire sa vie, avec un homme lui aussi empêtré dans une situation impossible. Les enfants qu’elle a eu de liaisons précédentes ( à l’exception d’une petite fille de 10 ans sacrifiée sur l’autel d’un scénario aux multiples rebondissements) devenant malgré eux une entrave à son nouveau bonheur.
Berenice Bejo et Ali Mosaffa

Film intimiste sur une famille d’aujourd’hui, porté évidemment plus par ses dialogues que par l’action, Le passé tisse donc la manière dont on se défait ou pas des entraves de notre vie précédente pour poursuivre notre chemin, chacun portant sa croix, même s’il n’y a jamais aucune allusion à un jugement moral ou religieux. Ici, Le passé tient les rênes de l’avenir.

Intérieurs

Du coup, le film vibre avec le jeu intense des acteurs qui sont tous à l’unisson de l’histoire. Mention spéciale à Bérénice Bejo qui en découvrant un nouveau registre, impose une intériorité qui la rend sublime, butée mais très belle. L’acteur iranien, Ali Mosaffa, est lui aussi formidable d’autant qu’il joue toute sa partition en français. Si Tahar Rahim ne dénote pas comme les enfants d’ailleurs (le petit Elyes Aguis, qui joue Fouad, est impressionnant), on l’a connu plus intense.

Berenice Bejo et Tahar Rahim
En racontant cette histoire de famille actuelle, Le passé s’est invité au palmarès du Festival de Cannes 2013, en offrant le prix d’interprétation féminine à Bérénice Bejo. Logique pour un festival qui traite assez rarement des évolutions de la famille occidentale, surtout quand elle est vue d’un point de vue étranger. Suffisamment pour intéresser un jury, forcément concerné.

D’Asghar Farhadi, avec Bérénice Bejo, Tahar Rahim, Ali Mosaffa, Pauline Burlet, Sabrina Ouazani…

2013 – France/Iran – 2h10
© Carole Bethuel
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