Cine Woman

Hors normes

Facebook

Le duo Toledano-Nakache revient dans une veine plus sociale et moins comique. Hors Normes qui dénonce avec vigueur la prise en charge des autistes sévères a clôturé le 72e Festival de Cannes. Surprenant.

L’humain au centre

On décrie souvent le grand écart cannois qui consiste à regarder des films dénonçant les inégalités ou injustices du monde en robe de soirée et bijoux à millions. D’habitude, le film de clôture, plus léger, fait exception.

Un trio dévoué pour s’occuper d’autistes sévères

Ce n’est pas le cas du dernier opus d’Olivier Nakache et Eric Toledano. Hors normes dénonce avec vigueur et sans ambiguïté le sacerdoce qui consiste à s’occuper d’autistes sévèrement atteints. S’ils s’attachent plus aux humains qu’à leurs infractuosités ou à leurs problèmes, le film n’est jamais léger (ni plombant). Et il pose crument le problème de la prise en charge de ces malades aux réactions imprévisibles.

A l’impossible Bruno se tient

A la suite de sa rencontre avec Joseph dont le comportement peut être violent, Bruno (Vincent Cassel) a choisi de s’occuper d’autistes que les hôpitaux et les autres institutions françaises n’accueillent pas. Ou plus.

Bruno (Vincent Cassel) interprète Stéphane Benhamou de l’association Le Silence des justes

Bruno reçoit, dans une institution bancale, une quarantaine d’enfants et d’adultes aux comportements irrationnels et souvent violents, contre les autres ou contre eux-mêmes. Il leur dévoue littéralement sa vie, incapable de consacrer plus de cinq minutes d’attention à une potentielle compagne. Toujours sur le qui-vive, il s’investit corps et âme surtout à les sortir de leur enfer et à améliorer leur quotidien.

L’union fait la force

Grâce à lui et à son dévouement, ces exclus de la société font des progrès. Certains parviennent même à s’y insérer un peu, parfois. Mais, souvent leur comportement les rattrape. Il faut alors une dose inconditionnelle de patience et de dévouement pour ne pas se décourager.

Malik (Reda Kateb) et Dylan (Brian Mialoundama) encadre une jeune malades à la patinoire

Bruno n’est pas seul. Malik (Reda Kateb) dirige aussi une association investie auprès des mêmes malades. Ils s’entendent bien, se réconfortent et se challengent constamment même si l’un est juif et l’autre musulman tous les deux pratiquants.

Hors normes et sur la corde raide

Mais, ces associations au fonctionnement quasi bénévole – leur survie financière est à peine évoquée, mais elles semblent aidées par des structures religieuses – sont constamment sur la corde raide. L’une emploie des jeunes à réinsérer dans la société qui ont, parfois du mal à respecter les règles de base, comme être à l’heure. L’autre est dirigée par un type tellement investi qu’on lui refile un peu tous les cas et qu’il peine à dire non.

Jospeh qui a décidé de la vocation de Bruno/ Stéphane Benhamou

Pourquoi dirait-il non d’ailleurs, puisqu’il sait qu’il est l’ultime secours? Que, sans lui, ces autistes seront au mieux bourrés de médicaments, au pire attachés à vie dans une chambre dont personne ne les délivrera? Malheureusement pour Bruno, un contrôle administratif est en cours et dénonce le fonctionnement anarchique de son institution. A vrai dire, les contrôleurs ne sont pas bien méchants et servent surtout de prétexte, d’intermédiaires pour expliquer aux spectateurs l’enjeu du film.

Un hommage appuyé à deux héros du quotidien

C’est culotté de choisir de faire d’un sujet pareil une fiction et non pas un documentaire. En fait, Eric Tolédano et Olivier Nakache l’ont déjà tourné il y a quatre ans pour Canal+. Leur documentaire portait un titre prémonitoire, On devrait en faire un film. Grâce à la fiction et à leur notoriété, Hors normes devrait maximiser la portée de leur propos. Les personnages que jouent Vincent Cassel et Reda Kateb sont directement et respectivement inspirés des dirigeants d’associations semblables à celles du film : Stéphane Benhamou du Silence des Justes et de Daoud Tatou du Relais IDF. Mais, c’est un réalisme dynamique, jamais plombant qui dicte le récit.

Malik (Reda Kateb), Valentin (Marco Locatelli) et Bruno (Vincent Cassel)

On suit donc la vie quotidienne de ces deux associations complémentaires entre les tracasseries administratives, l’espoir qu’elle représente pour les familles, les institutions officielles dépassées et leur dévouement auprès de malades très atteints et dont personne ne veut. On suit aussi la prise en charge d’un autiste sévère, obligé de porter un casque de boxe pour lui éviter le trauma crânien tant il frappe sa tête contre tout et les progrès manifestes que lui apporte le secours de Dylan, son référent. Et celui de Joseph, un ancien dont le comportement est quasi entré dans la norme.

La marge au centre de leur travail

Depuis leurs débuts, Toledano-Nakache flirtent avec des sujets sociaux et originaux. C’état le cas d’Intouchables, bien sûr et ou de Samba où la situation d’exclus de notre société était aussi abordé. Ce sont donc certaines marges qui les passionnent en tant que cinéastes, ce qui les rend en retour éminemment intéressants.

Les équipes des associations engagés, métissées et crédibles

Mais, là encore, ils traitent du sujet de l’exclusion avec espoir et doigté. Les malades sont filmés dans leur crise comme quand ils vont mieux. Et le comique des situations irrationnelles comme leur dramaturgie n’est jamais évincée, ni appuyée. Tout le film est traité à un niveau éminent humain, sans jugement aucun et à la bonne distance.

Un cinéma hors norme

Le cinéma des Toledano-Nakache est incontestablement un cinéma généreux, concerné. Leur réalisation est simple. Leur image et leur cadre ne comptent aucun effet. Mais, ils s’attardent avec un intérêt réel à la construction et à la définition de chacun de leurs personnages. Hors des clichés – la distribution fait une fois encore la part belle à la diversité -. Et c’est en cela que leur cinéma reste toujours aussi profondément humain.

D’Eric Toledano et Olivier Nakache, avec Vincent Cassel, Reda Khateb, Hélène Vincent, Alban Ivanov…

2019 – France – 1h54

Hors normes d’Eric Toledano et Olivier Nakache a été présenté en clôture du 72e Festival de Cannes. Le film sortira en salle le 23 octobre 2019.

© Carole Bethuel 2019 Quad – Ten Cinema
Facebook
Quitter la version mobile