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Les Tops 5 d’Isabelle Vanini

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Les femmes et le 7ème art, c’est une longue histoire mal connue. Pour l’honorer, Cine-Woman demande à tou(te)s les 5 films de femmes et les 5 rôles féminins qui les ont marqués. Isabelle Vanini, programmatrice au Forum des Images, nous a confié ses listes.

Les choix d’Isabelle Vanini

« Adolescente, le cinéma m’aidait à vivre, reconnaît Isabelle Vanini, une des six programmatrices du Forum des Images. J’étais introvertie, dans un contexte familial difficile. J’allais voir tout ce que programmait le cinéma d’Oyonnax où j’habitais. Ce qui explique ma cinéphile si variée ».

Isabelle Vanini, programmatrice au Forum des Images

Au lycée, alors qu’elle se destine à devenir vétérinaire, elle déménage à Lyon et découvre l’Institut Lumière, « celui de l’époque, avec ses chaises en plastique », sourit-elle. Elle y complète sa connaissance du cinéma populaire et de genre avec celui de patrimoine. Elle s’enthousiasme pour Ingmar Bergman et Andreï Tarkovski. Deux révélations qui lui font arrêter sa préparation véto pour étudier le cinéma, sans savoir vers quel métier se diriger. A la Fac de Lyon, elle « découvre Eisentein, analyse Citizen Kane plan par plan. Et se prend de passion pour le cinéma russe et soviétique », se souvient-elle.

Une passion pour le cinéma russe et soviétique

En 1989, elle rejoint le département cinéma de Paris I – Panthéon-Sorbonne et obtient une maitrise. Son professeur, Claude Beylie, la recommande à Vincent Pinel, conservateur à la Cinémathèque Française. « Nous étions une équipe de jeunes historiens embauchés pour inventorier le fonds nitrate. Je manipulais des copies, la table de montage… « , explique-t-elle.

Piter FM d’Oksana Bytchkova qu’Isabelle Vanini a eu l’occasion d’inviter au Forum des Images

Quand Vincent Pinel est débarqué, le job perd de son intérêt… Entre temps, l’URSS, alors en plein éclatement, a déposé le fonds Sovexportfilm, soit plus de 2000 films russes et soviétiques, du début du cinéma aux années 80. Isabelle Vanini s’initie au russe et démarre même une recherche universitaire sur le sujet.

Curieuse et insatiable

Après un court passage à la médiathèque audiovisuelle de la Cité de Sciences et de l’Industrie, Isabelle Vanini se forme, en 1993/1994, comme documentaliste, avec l’intention de faire son stage de fin d’études à la Vidéothèque de Paris dont elle aime la programmation. Elle y enchaîne missions et contrats jusqu’à en devenir une des cinq programmatrice en 1998, quand la Vidéothèque devient le Forum des Images. « Ma première programmation, Jazzopolis, était consacrée au Jazz et au cinéma. J’en ai gardé ce plaisir de m’approprier un thème que je ne maîtrise pas au départ. D’avoir cet oeil neuf qui va permettre de mettre en valeur un aspect méconnu d’un sujet », avoue-t-elle.

Le palmarès du 43e Festival d’Annecy s’invite au Forum des Images le 3 et 4 juillet 2019

Elle défend aussi des convictions qui lui réussissent et se souvient de certaines de ses programmations marquantes. « Le cycle de trois mois, sur la mort, m’a mise en contact avec des personnes extraordinaires dont  une infirmière spécialisée dans l’accompagnement en fin de vie. C’est elle qui a donné la meilleure analyse de la Sentinelle d’Arnaud Desplechin que je n’ai jamais entendue ! , se souvient-elle. « Il y a aussi eu le thème « Frissons », sur la peur au cinéma qui a cassé la baraque ou  celui sur « La peau » ». On lui doit en 2019 le coup de projecteur sur le fantastique espagnol en 30 films, – le cinéma de genre étant un autre de ses points forts.

Une spécialiste de l’animation

Si l’équipe de programmation travaille depuis peu en groupe avec un chef de projet à sa tête, Isabelle Vanini est, malgré sa cinéphilie large et variée, réputée pour sa connaissance de l’animation. C’est elle qui programme la séance mensuelle Tout’anim et le Carrefour de l’Animation, qui a lieu mi-décembre chaque année. Elle a d’ailleurs écrit un mémoire sur l’exploitation en salle des longs métrages d’animation adulte pour la Femis, qui fait autorité. Elle a aussi rejoint en 2019 le comité de sélection du Festival d’Annecy. Dans ce domaine, Isabelle Vanini regrette d’ailleurs qu’il y ait tant de réalisatrices, cantonnées malgré elles au court-métrage, sans réussir à passer au long métrage.

Les aventures du Prince Ahmed de Lotte Reiniger

Rappelons que le premier long métrage d’animation européen, Les aventures du Prince Ahmed,  a été réalisé en 1926 par une femme, Lotte Reiniger. Et que le second, Persepolis, a vu le jour en 2007, soit 80 ans plus tard, sous la plume de Marjane Satrapi !

A peine le Festival d’Annecy terminé et juste avant la reprise de son palmarès au Forum des Images, les 3 et 4 juillet 2019, et en attendant le bouclage de la programmation de la fin 2019, Isabelle Vanini s’est pliée à l’exercice des tops 5 pour Cine-Woman. Voici ces choix :

Mes cinq films réalisés par des femmes préférés

1 – Jeanne Dielman, 23, quai du Commerce, 1080 Bruxelles de Chantal Akerman (1976)

Jeanne Dielman, c’est Delphine Seyrig, inoubliable.

Delphine Seyrig est Jeanne Dielman

Répétition des faits et gestes du quotidien, selon un cérémonial bien réglé. Images statiques où s’installe une tension indicible. L’austérité et l’économie de la mise en scène sont au service d’un film d’une modernité à couper le souffle !

2 – Toni Erdmann de Maren Ade (2016)

Quel bonheur de découvrir au Festival de Cannes ce film allemand d’une réalisatrice inconnue, de trois heures, proposant d’immenses moments comiques !

Sandra Hüller se met à nu dans Toni Erdman

Pourtant, cette fable désenchantée – qui se conclut par Plainsong de Cure ! – dénonce un certain monde du travail capitaliste et parle du dessèchement des relations humaines (familiales, amoureuses, sexuelles, amicales). Rien que ça !

3- Hamman de Florence Miailhe (1991)

Issue de la gravure, de la peinture et de l’illustration, cette cinéaste rare s’est distinguée dès ses débuts par une poésie narrative, un style graphique et une sensibilité féminine exacerbée. Florence Miailhe a une trentaine d’années lorsqu’en 1991, elle réalise Hammam, son premier court-métrage.

Hammam de Françoise Miailhe

Le film raconte tout en sensualité la première visite de deux jeunes filles dans un établissement de bains de vapeur. C’est avec ce film que je suis tombée amoureuse de son travail que je n’ai cessé de suivre et d’accompagner. Dans ses œuvres, ses dessins au pastel, à la peinture ou à base de sable prennent vie, emportant décors et corps de femmes opulents dans un ballet poétique de matières et de couleurs. Florence Miailhe est en train d’achever son premier long métrage dont on entendra parler : La Traversée, un road-movie de deux enfants en migration »ancré dans la réalité d’aujourd’hui, mais faisant référence à des mythes et à des contes », selon elle.

4 – Suite armoricaine de Pascale Breton (2015)

Une femme part de Paris, sur les traces de sa jeunesse, dans la ville de Rennes, personnage à part entière du film.

Valérie Dréville porte Suite armoricaine de Pascale Breton

Cette femme est une enseignante d’histoire de l’art, Françoise, interprétée par Valérie Dréville (magnifique, actrice trop rare). Le film se déroule sur une année universitaire, au fil des saisons. D’une grande richesse formelle et narrative, le film est une révélation.

5 – Évolution de Lucile Hadzihalilovic (2016)

Non, Grave de Julia Ducournau n’a pas « inventé » le cinéma de genre au féminin !

Les fonds marins envoûtants d’Evolution de Lucile Hadzihalilovic

Douze ans après Innocence, Lucile Hadžihalilovic signe un film insolite et dérangeant, d’une incroyable beauté formelle (avec d’envoûtantes séquences sous-marines). Dans le décor minéral de l’île de Lanzarote, la réalisatrice imagine une communauté de femmes au teint blafard qui pratiquent sur leurs garçons des expériences visant une mutation de l’espèce…

Et aussi

6 – Bright Star de Jane Campion (2009)

De l’idylle entre le poète John Keats et Fanny Brawne, Jane Campion fait un film sensuel et vibrant.

Abbie Cornish est Fanny Brawne, voisine et amoureuse du poète John Keats

Devant ce beau film racontant cet amour incandescent d’un romantisme absolu, je me souviens être sortie bouleversée et tremblante. « Tout objet de beauté est une joie qui demeure /Son charme croît sans cesse, et jamais / Ne sombrera dans le néant. » (Endymion de John Keats)

Cinq prestations d’actrices inoubliables

1 – Emily Watson dans Breaking the Waves de Lars von Trier (1996)

Emily Watson est Bess dans Breakwing the waves

Emily Watson y est puissante en amoureuse extrême et tragique.

2- Giuletta Masina dans La Strada de Federico Fellini (1954)

Zampano (Anthony Quinn) face à Gelsomina (Giulieta Masina)

Giuletta Masina y campe un petit animal fragile, face au grand Zampano, bourru et violent.

3- Laetitia Dosch dans la Bataille de Solferino de Justine Triet (2013)

Laetitia Dosch est Laetitia, cette mère et journaliste débordée le jour de l’élection de François Hollande à la Présidence de la République

Laetitia Dosch y est à la fois énergique et dépassée, tellement humaine.

4- Elina Löwenshon dans Simple Men d’Hal Hartley (1992)

Elina Löwenshon (Elina) et Bill Sage (Dennis Mc Cabe) dans Simple Men

Egérie splendide dans les films de Hal Hartley (Simple Men, Amateur), Elina Löwenshon joue aujourd’hui une muse prête à tous les excès dans les films de Bertrand Mandico des années plus tard.

5- Ekaterina Golubeva dans Twentynine Palms de Bruno Dumont

David Missak (David) et Ekaterina Golubeva (Katia)

La beauté fantomatique de Ekaterina Golubeva, sa présence mélancolique et triste qui attirait la lumière, dans les films de Sharunas Bartas, Leos Carax ou Claire Denis. Sans oublier l’insoutenable Twentynine Palms de Bruno Dumont.

© Charlotte Gastaut- Komplizen Film – Greig Fraser – Les Films Marceau – Tadrart Films – Les films du Camélia
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