Cine Woman

Expo Scorsese

Serge Toubiana, Caosta-Gavras, Martin Scorsese, son interprète et le directeur de la Deutsche Kinemathek de Berlin

Impossible d’échapper à Martin Scorsese cet automne en France. Honoré de Prix Lumière 2015 qui lui sera remis à Lyon, le 16 octobre, le réalisateur cinéphile était lundi 10 octobre à l’inauguration de l’expo Scorsese et de la rétrospective intégrale de ses films qu’accueille la Cinémathèque Française.

Femmes, famille & cinéma

Cine-Woman a visité l’exposition Scorsese  en avant-première, assisté à la conférence de presse de Martin Scorsese et en propose sa lecture. Là voici.

Expo Scorsese : la famille

Cinéaste des gangs, de la violence des villes et des hommes, Martin Scorsese est aussi un fils et un père de famille, un trait particulièrement bien mis en scène dans l’exposition. Le parcours commence, certes, par un multi-écran qui valorise des images chocs, puissantes, mais se poursuit immédiatement par un arrêt riche sur la famille, sa famille.

Martin Scorsese avec ses parents Charles et Catherine Scorsese in Italianamerican

Particulièrement dotée en effets personnels, minutieusement classés et souvent annotés par Scorsese lui-même, l’exposition conçue par la Deutsche Kinemathek de Berlin, invite directement dans la famille du cinéaste : on reconnaît ses parents, à qui il a déjà rendu hommage dans le documentaire Italianamerican. Ils sont ici montrés à travers de nombreuses photos personnels, quelques films commentés par Scorsese et un certain nombre d’objets qui leur a appartenus.

Souvenirs de tables et de convives

Durant la conférence de presse, Martin Scorsese est d’ailleurs revenu sur les nombreux objets et documents qu’il a prêtés pour l’exposition : des documents de travail, des story-boards, une affiche dessinée à 10 ans, celle de The Eternal city directed and produced by Martin Scorsese ( !), la voiture de Taxi Driver et une table. La table que ses parents avaient acquis dans les années 1970, que Martin revoyait ému et autour de laquelle il s’est souvenu avoir dîné, copieusement a-t-il précisé, avec Robert de Niro, Sergio Leone, John Cassavetes, Peter Falk ou Elio Petri.

La voiture de Taxi Driver trône devant la Cinémathèque Française

Le parcours de l’exposition fait bien sûr la part belle aux thèmes obligés de la carrière de Scorsese : New York, Little Italy, les gangs, la religion, ses pères de cinéma (Hitchcock, Méliès, Howard Hughes) et sa technique de filmage, de montage et de mixage.

Les femmes chez Scorsese

Arrêtons-nous dans la 4ème salle, dédiée aux femmes dans son cinéma. Un thème rarement traité, sans doute parce qu’elles n’ont pas souvent les premiers rôles dans ses films bien que souvent déterminantes. On se souvient de Jodie Foster dans Taxi driver, de Sharon Stone dans Casino, de Rosanna Arquette dans After Hours ou encore de Lisa Minelli dans New York New York.

Jodie-Foster, Robert de Niro et Martin Scorses sur le tournage de Taxi-driver

Pourtant, il sait aussi filmer les femmes et leur a consacré plusieurs films, certes aujourd’hui ses moins connus. Bertha Boxcar (1972), son deuxième film interprété par Barbara Hershey, est le portrait de femme insoumise, égérie d’une bande de desperados durant la Grande Dépression.

Son quatrième film, Alice n’est plus ici (1974) retrace la vie d’une mère célibataire qui rêve de devenir chanteuse. Son actrice principale Ellen Burstyn a remporté l’Oscar avec ce rôle.

Michelle Pfeiffer dans Le Temps de l’Innocence

En 1993, Michelle Pfeiffer irradie dans Le Temps de l’innocence en comtesse Olenksa, partagée entre l’amour d’un jeune officier engagé et la violence de l’étiquette en vigueur en 1870.

Maladresses masculines

Depuis, sa filmographie s’est recentrée sur les hommes, qui, comme l’explique le carton d’introduction, tentent «de mettre à jour leur faiblesses mais qui ne connaissent ni les gestes, ni le vocabulaire qui pourraient leur permettre d’y parvenir. Qu’ils se retrouvent face à des femmes enfants, tendance Lolita, des épouses hautes en couleurs férocement jalouses ou des femmes moins émancipées. Dans le cinéma de Scorsese, les rapprochements hommes et femmes sont si fragiles qu’ils doivent être constamment réinventés ». Au risque de s’y perdre comme Robert de Niro et Sharon Stone dans Casino.

Sharon Stone, seule femme dans l’univers de Casino

Laissons à d’autres les analyses sur les thèmes chers à Scorsese et revenons sur un sujet passionnant qu’il a abordé oralement : la construction de la cinéphilie aujourd’hui.

A-t-on perdu une génération de cinéphiles ?

Collectionneur et restaurateur de films passionnés – il a créé deux fondations sur le sujet et contribue régulièrement à sauver des chefs d’œuvre- Martin Scorsese a parlé de la production américaine actuelle, de la puissance des films de studios face au cinéma indépendant.

Asa Butterfield et Martin Scorsese sur le tournage d’Hugo Cabret

« Le public ne va plus voir les films au cinéma mais les expérimente autrement, dit-il, lui qui a réalisé en 2011 un film rendant hommage à Georges Méliès (Hugo Cabret). Le danger aujourd’hui est que les jeunes ne se déplacent que pour aller voir des films extrêmement spectaculaires, bourrés de super héros et d’effets spéciaux. Ces superproductions sont techniquement extrêmement bien faites. Mais, elles ne disent rien sur la société actuelle. Du coup, on a peut-être perdu ainsi une génération de cinéphiles, pour qui le cinéma n’est plus que superproduction. Certes, les Nuits de Cabiria en était une en 1914, mais il existait à côté un autre camp, indépendant, différent auquel désormais, les jeunes n’ont plus forcément accès ».

A la Cinémathèque Française :

© Martin Scorsese avec ses parents Charles et Catherine Scorsese, Italianamerican, 1974. Martin Scorsese Collection, New York
© Jodie Foster, Robert De Niro et Martin Scorsese, Taxi Driver, 1976. Martin Scorsese Collection, New York.
© Le Temps de l’innocence (The Age of innocence) de Martin Scorsese, 1993. Photo Phillip Caruso © Columbia Pictures.
© Casino, 1995. © 1995 Universal City Studios, Inc. And Syalis Droits Audiovisuels
© Asa Butterfield et Martin Scorsese, Hugo Cabret (Hugo), 2011. Martin Scorsese Collection, New York.

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