Cine Woman

Prisoners

Jake Gyllenhaal, inspecteur Loki arrêtant le conducteur d'un camping-car dans Prisoners

Layer cake 

Dans une banlieue banale d‘une ville américaine, le soir de Thanksgiving, Anne et Joy, deux amies de 6 et 7 ans disparaissent. La police arrête très vite un coupable idéal qu’elle relâche faute de preuves. Le père d’Anna décide de prendre les choses en main. A sa manière… La police, elle, continue son travail de fourmi.

Duo de choc

Faire vite quitte à mal faire. Voilà à peu près la devise de Keller, le père d’Anna, interprété toute en puissance par Hugh Jackman. « Au bout d’une semaine, les chances de retrouver un enfant disparu diminuent de moitié, au bout d’un mois, il n’y en a pratiquement plus aucune de le retrouver vivant. Alors, excusez-moi de faire tout ce qui est en mon pouvoir » est une des vindictes qu’il adresse au policier, l’inspecteur Loki, joué par Jake Gyllenhaal, un type brillant mais introverti qui, bien évidemment, enquête en restant dans les clous de la loi.

Le nouveau film du québécois Denis Villeneuve, réalisateur chic qui a marqué les esprits avec « Polytechnique » et surtout « Incendies », est d’abord celui de ce duo, de ces deux hommes unis par hasard sur une même cause mais avec des méthodes opposées. Ils se détestent ou à peu près et ne pourront sans doute jamais se comprendre, ni s’apprécier. Mais, il faut faire avec.

A leur place

C’est aussi un thriller sombre, presque glauque qui surfe sur les thèmes délicats des enlèvements d’enfants, de la pédophilie, des angoisses parentales etc… avec comme volonté d’impliquer le spectateur en lui disant : « ne jugez pas mais demandez-vous plutôt ce que vous auriez fait à leur place».

Eux, ce sont les parents ou plus exactement les pères de deux fillettes.  Les mères, elles, se sont réfugiées dans le silence ou au fond de leur lit, complètement groggy aux barbituriques, complètement incapables qu’elles sont de réagir à une telle tragédie. Bizarre…  Le père de Joy fait à peu près confiance à la police, même s’il assiste un peu involontairement Keller, un croyant impulsif, sûr de son bon droit, prompt à se faire justice lui-même, quitte à pulvériser ce qui lui reste de famille et à se détruire lui-même. Une tête brûlée aux intuitions pourtant assez justes.

Labyrinthique

On erre donc avec eux et ce policier solitaire au gré de leur enquête dans le rayon très limité d’une petite ville de province américaine, entre son commissariat, les maisons des uns et des autres et la forêt voisine.

L’ambiance est immédiatement campée. Quasiment toute l’enquête se déroule la nuit, dans le noir et sous une pluie battante. Quand ce n’est plus le cas, l’atmosphère est glaciale (il neige même parfois) et les maisons de banlieues semblent toutes un peu mal entretenues, un peu délaissés et filmées sans espace, frontalement. De même, la solitude quasi totale du policier fait face à l’isolement des familles dans la douleur, comme si, plus rien ne pouvait les atteindre.  Et petit à petit l’étau se resserre autour d’un possible meurtrier, au gré de fausses pistes et de rebondissements qui finissent par se succéder dans une surenchère contre-productive.

Le mieux, ennemi du bien

A force de vouloir dissimuler puis retarder la résolution, le film n’en finit plus – il dure 2h33 !- et perd en réalisme, en émotion en nous forçant à supporter l’énième étape d’une intrigue à tiroirs. On en sort rincé, essoré même avec cette sensation intense que moins de surenchère dans l’horreur et dans les multiples personnes impliquées à tort ou à raison aurait été bénéfique à cette histoire. La pluie, le froid en moins, Incendies, le film précédent de Denis Villeneuve avait déjà ce défaut.

S’il s’est un peu calmé dans le léchage de l’image qui le caractérisait à ses débuts (Maelström ressemblait à une longue pub pour parfum), il compense désormais par une accumulation de situations, de sous-énigmes. Dès qu’il apprendra l’art de l’épure, Denis Villeneuve sera un grand réalisateur.

De Denis Villeneuve, avec Hugh Jackman, Jake Gyllenhaal, Maria Bello, Viola Davis, Paul Dano, Melissa Leo…

2013 – USA – 2h33

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