Un Certain Regard

La chambre bleue

On avait laissé Mathieu Amalric réalisateur en pleine introspection sur son métier, charmé les formes voluptueuses et opulentes des danseuses New Burlesque qu’il a largement contribuées à remettre au goût du jour. Depuis, on le croisait régulièrement comme acteur. Le revoilà donc et pour la quatrième fois derrière une caméra.

Dans les griffes d’une prédatrice
Amalric a choisi d’adapter un roman de Georges Simenon et s’amuse des codes du polar, pas tant pour les détourner que pour les pousser dans leurs retranchements. L’argument est simple, une histoire d’adultère qui tourne mal, très mal. Lui est un concessionnaire de machines agricoles qui a a réussi, marié, père d’une petite fille.
Mathieu Amalric et Stéphanie Cléau
Il est revenu depuis quelques années dans la région de son enfance et y retrouve Esther, une amie de lycée, mariée elle aussi et devenue la pharmacienne de la petite ville de province où tout ce beau monde habite. Dès qu’elle le revoit, Esther le veut. Elle l’aura. Au prix fort.

Bien monté

Ce qui est le plus réussi dans ce drame provincial qu’Amalric s’applique pour le coup à détourner en choisissant des lieux non pas emblématiques mais plus modernes, comme cette superbe maison où il habite, c’est le montage scrupuleux du film. Un montage original du récit tout d’abord où se mêle l’histoire de l’adultère, l’enquête policière puis le jugement et cela sans temps mort.
Léa Drucker et Mathieu Amalric
Mais surtout, Amalric a utilisé une astuce qui dynamise le récit : les dialogues sont légèrement décalés et amorcent ce que l’on voit à l’écran, l’oral devançant de quelques secondes la preuve apportée par l’image. Ce qui parvient en même temps à renforcer le suspense et impulse un rythme particulier au film.

Manque de passion

Jamais Amalric réalisateur, n’avait jamais tant fait la preuve de son talent. Pour la première fois, il ne base pas du tout son film sur une seule idée maligne (la révélation du New Burlesque par exemple) mais multiplie les qualités pour se parer de tous les atouts : la musique est envoûtante, la prise de vue intéressante et le jeu des acteurs à l’unisson, sauf et surtout au début, Stéphanie Cléau, sa partenaire à la ville et au scénario. Mais, c’est surtout la structure narrative et son montage décalé qui donne tout ce sel à cette Femme d’à côté, sans toutefois la passion dévorante du film de Truffaut.

De et avec Mathieu Amalric, Léa Drucker, Laurent Poitrenaux, Stéphanie Cléau…

2014 – France – 1h16
Le film est sorti en salle le 16 mai 2014