La vie d’une autre

La note Cine-Woman : 3/5

 de Sylvie Testud 

Tout avait très bien commencé. Marie avait convaincu Dimitri Speranski de l’embaucher dans sa société et elle était immédiatement tombée amoureuse de Paul, son fils. Pourtant, quand elle se réveille le jour de ses 40 ans, Marie a tout oublié… ou presque. Elle ne se souvient que de sa rencontre avec Paul mais absolument pas des 15 années qui ont suivi. C’est à peine si elle reconnaît Adam, son fils, l’appartement majestueux où elle habite, le bureau de Paul, son poste prestigieux à la tête de la société Speranski, ses collaborateurs, sa vie…

 Pour son premier film en tant que réalisatrice, Sylvie Testud a choisi d’adapter le livre éponyme de Frédérique Deghelt mais n’a pas opté pour la facilité. Car, rien ne semblait moins cinématographique que cette brutale amnésie qui pousse cette femme fatiguée à remettre en cause son existence passée. C’est d’ailleurs une des limites de la première partie du film. Quand Marie, interprétée par une Juliette Binoche qui en fait des tonnes (et c’est dommage), se réveille ce matin-là, quand elle découvre son fils (beaucoup trop parfait, quasiment tête à claques!) et se rend compte de sa vie quotidienne d’alors, le film est vraiment poussif. On traîne dans une interminable succession de scènes pseudo-comiques qui sont d’un bien faible intérêt. En revanche, dès que l’on comprend que ce choc traumatique est aussi et surtout le fait de sa rupture amoureuse d’avec son mari, le dessinateur Paul, brillamment et sobrement interprété par Mathieu Kassovitz (quel acteur! ), le fait qu’elle lui ait imposé le divorce dans l’exigence d’efficacité qu’est devenue sa vie, quand elle chancelle en comprenant la nouvelle de la mort de son père, le film prend alors une dimension dramatique, juste, touchante, émouvante même. On délaisse alors les à-priori négatifs qui nous avaient fait rejeter cette Juliette Binoche à contre temps, pour prendre en empathie cette femme brusquement usée, sans repère… Impossible alors de ne pas s’identifier à cette battante qui a brûlé sa vie par désir de réussir et qui s’aperçoit que celle-ci a un prix, fort, très fort même et qu’elle aurait sans doute dû avoir la sagesse de prendre du recul pour ne pas gâcher ce qui, finalement, lui était le plus cher.

Avec Juliette Binoche, Mathieu Kassovitz, Aure Atika, Yvi Dachary, Danièle Lebrun…

2011 – France – 1h37