3 coeurs
Dans 3 coeurs, centré sur 3 femmes liées par le sang et un homme, Benoît Jacquot filme la passion comme une bombe à retardement. Tentant.
Dans 3 coeurs, centré sur 3 femmes liées par le sang et un homme, Benoît Jacquot filme la passion comme une bombe à retardement. Tentant.
Il y a sept ans que Martin (Fabrice Luchini), ex-critique littéraire, a délaissé Paris pour reprendre la boulangerie de son village d’origine, en Normandie. Sa vie s’écoule au rythme de son pétrin quand de nouveaux voisins viennent s’installer en face de chez lui. Une histoire banale si ces nouveaux venus n’avaient pour nom Gemma et Charles Bovery…
Le point de départ de ce film littéraire est un roman graphique anglais de Posy Simmonds qu’Anne Fontaine a choisi d’adapter. Une BD caustique qui se moque des néo-ruraux, des yuppies anglais et de la culture romanesque.
Martin tombe immédiatement amoureux de Gemma. Ou plutôt de l’idée qu’il se fait de Gemma, ce double contemporain d’Emma Bovary, dont il dessine le destin en suivant pas à pas le livre de Gustave Flaubert. Cet amour par procuration est à la fois l’événement et la douleur de sa vie. Il devient même son obsession et un dessein qu’il entreprend de modeler comme ses miches (de pain).
Gemma (Gemma Arterton, à la sensualité torride), elle, n’a pas lu Flaubert et entend bien vivre sa vie comme elle en a envie. L’amour de son mari Charles (Jason Flemyng) ne lui suffira bientôt plus et c’est avec délice qu’elle va se glisser dans une relation adultère avec le châtelain du village, le jeune bellâtre Hervé de Bressigny (Niels Schneider), sans parvenir à oublier ni son ennui, ni ses déceptions.
Oublions tout de suite la fin grotesque, et la toute fin, virgule amusante, de ce film ambitieux mais pas totalement réussi. La trame narrative, bien qu’originale, souffre de pas de côté contemporains qui alourdissent le propos. Par exemple, les personnages caricaturaux d’Elsa Zylberstein et de son mari gonflent artificiellement cette critique de ses nouveaux snobs venus envahir à grand renforts de fric et de mauvais goût l’authenticité des campagnes. De plus, la manière dont Anne Fontaine se débarrasse de son héroïne, n’a aucune finesse, un peu comme la musique pesante qui sur-signifie l’époque contemporaine de manière choquante. .
En revanche, le casting est formidable: le rôle était incontestablement taillé pour Fabrice Luchini, qui parvient la plupart du temps à contrôler ses pulsions démonstratives pour un peu plus d’émotion. La scène où il se déclare en metteur en scène de la vie d’Emma, au marché, est à cet égard savoureuse, comme celle où il lui apprend à pétrir le pain. Emma Arterton, débordante d’une sensualité naturelle, est merveilleuse, appétissante, enjôleuse à souhait en partie grâce son très joli accent anglais.
L’autre intérêt du film tient à ce qu’il est avant tout une comédie romantique, platonique, un amour non consommé mais d’autant plus ardent. Un genre où Anne Fontaine est désormais plus à l’aise que dans la parodie dont elle étaye, parfois et souvent à contretemps, son propos.
2014 – France – 1h39
Présenté en ouverture du Certain Regard à Cannes 2014, Party girl, au titre alléchant et à la réputation alléchante, a reçu la Caméra d’or au Festival de Cannes 2014. Une surprise tant la déception est à la hauteur de la rumeur qui l’a précédée.
Peut-être vous souvenez vous de ce fait divers, l’affaire Fortin. Deux frères de 18 et 16 ans ont été retrouvés en 2009 en Haute-Ariège après une cavale de 11 ans auprès de leur père. Celui-ci ne les avait jamais rendu à leur mère après des vacances et personne n’avait depuis retrouvé leur trace.
Le premier film de Jean Denizot imagine justement leur sortie de la vie clandestine. Quand et comment ont-ils pu, dû échappé à la vigilance, à l’autorité, à la manipulation de leur père ?
Doucement, selon lui, et c’est l’amour et/ou la sexualité qui décidera de leur sort. Le fils aîné disparaît assez tôt du récit, tandis que le jeune frère, dans une ultime tentative de sauver son père (qui se sait condamné par la justice), va devoir attendre de tomber amoureux pour enfreindre la loi paternelle. Perdue pour une femme (leur mère) mais aussi sauvée par elles (leurs amoureuses).
Road-movie clandestin et campagnard, ce film brille surtout par une prise de vues superbe, qui magnifie constamment les paysages traversés, qu’il s’agisse des Pyrénées ou des bords de Loire.
Les acteurs peu connus, Zacharie Chasseriaud, Solène Rigot, Nicolas Bouchaud, sont eux aussi remarquables, mais c’est quand même l’ode à la nature qui démarque ce film de la production habituelle.
2013 – France – 1h33
Après Harry Potter, Twilight, voici la nouvelle saga qui va s’imposer auprès des adolescentes! Ecrits par Veronica Roth, les livres étaient déjà des best-sellers aux Etats-Unis (pas en France) avant que le premier épisode en s’installe en tête du box-office US dès sa sortie. Est-ce mérité? Plutôt oui, parce que l’intrigue est intéressante, intelligente même, riche en rebondissements et portée par une héroïne pleine de ressources.
Après une guerre particulièrement destructrice, la vie à Chicago a complètement changé. Sa population est désormais organisée en 5 factions qui se répartissent la gestion et le gouvernement de la cité. Pour Béatrice, c’est le grand jour. A 16 ans, elle va choisir demain la faction à laquelle elle appartiendra.
Elevée chez les Altruistes, elle se vit comme une Audacieuse, cette sorte de milice interne qui doit protéger tous les habitants de Chicago. Elle rompra alors définitivement avec sa famille…
Pourtant, les tests auxquels on la soumet sont loin d’être concluants : elle est une Divergente, une espèce qu’aucune faction ne reconnaît et dont tous se méfient. Mieux vaut donc que personne ne le sache… mais combien de temps pourra-t-elle dissimuler sa vraie nature ?
La force de « Divergente » est de mêler l’aventure personnelle de cette jeune femme avec le destin de la cité où elle habite. Du coup, on est immédiatement plongé au cœur d’une ville familière mais si meurtrie qu’elle s’est dotée d’une organisation ultra-rationnelle pour renaître de ses cendres.
Ce mélange entre réalité et légère anticipation fait rapidement prendre conscience du danger de la déviance. Mais aussi de sa nécessité. Portée avec brio par la jeune Shailene Woodley, ce véritable film d’action portée par une intrigue judicieuse et une histoire d’amour intense se laisse regarder avec intérêt malgré quelques incohérences de scénario. Mais, on attend même la suite avec impatience…
2014 – Etats-Unis – 2h06
Samedi 5 avril, à 20h, sera projeté « Le loup derrière la porte » de Fernando Coimbra, lors du 16e Festival du cinéma brésilien de Paris. Cine-Woman l’a vu en avant-première aux Rencontres ciné-latino de Toulouse, et le recommande chaleureusement.
Voici une occasion rêvée et sans doute unique de le découvrir à Paris, puisque sa sortie n’est pas encore datée en France, alors que sa carrière en festival est déjà bien entamée, le film ayant été primé à la Havane, à Rio de Janeiro… Pourquoi pas à Paris où il est en compétition ?
Sylvia est dévastée. Elle vient d’apprendre que sa fille, Clarinha, âgée de 4/5ans, a été kidnappée, à l’école. Au cours de l’interrogatoire policier, son mari, Bernardo, révèle sa liaison avec Rosa qu’il finit par soupçonner d’être à l’origine du rapt. Rosa est alors convoquée au commissariat et donne sa version des faits.
Inspiré d’un fait divers qui secoua le Brésil, ce premier film est haletant comme un thriller grâce à une construction en flash-backs qui révèle les points de vue divergents mais complémentaires des différents protagonistes. L’une est dans le déni, l’autre offre une version très relative, la dernière détruite. L’intrigue, pleine de suspens et de rebondissements, s’enrichit peu à peu sous nos yeux, obligeant à prendre partie pour l’un puis pour l’autre.
Judicieusement, le réalisateur évite toutefois toute surenchère, privilégiant l’émotion et la puissance des sentiments dans cette histoire d’adultère qui aurait dû rester banale. Ici, il est plus question de vie, d’amour, de violence aussi mais bien plus que de manipulation à proprement parlé
A quelques imperfections près – des personnages secondaires inconsistants, une scène de rencontre plate etc…-, ce premier film bien ficelé, maitrisé laisse présager un talent émergent, celui du réalisateur Fernando Coimbra, acteur de théâtre et vidéaste reconnu, déjà réalisateur de 9 courts-métrages.
2013 – Brésil – 1h40
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Le film commence avant même le générique, par des phrases critiques que s’adresse à elle-même une adolescente mal dans sa peau et mal-aimée.
Daisy a 15 ans et les problèmes d’une américaine de son âge : ce qui compte au delà de tout, c’est son apparence physique qui lui impose un contrôle de soi hors norme, c’est de répondre au diktat de la mode et de l’apparence.
Son père l’a envoyée pour les vacances chez ses cousins dans la campagne anglaise. Elle y arrive seule et se méfie. Mais, bientôt, leur style de vie bohême – leur mère est trop occupée pour les surveiller-, des souvenirs enfouis et surtout la présence envoûtante de son cousin Eddie vont avoir raison de ses angoisses et son égocentrisme.
Quand la guerre éclate et qu’il leur faut fuir la maison, Daisy est armée pour se battre et survivre.
« How I live now » ou « Maintenant c’est ma vie », adapté du roman de Meg Rosoff, est un film initiatique assez déroutant. Parce que l’héroïne est une jeune femme peu aimable, confrontée non pas directement au monde des adultes mais à la survie d’un groupe d’enfants, que ce qui l’attend est vraiment hors norme et que la conclusion qu’elle en tirera est encore plus intemporelle.
Formellement, le film est aussi étonnant : les images sont remarquablement cadrées et donne une impression complètement différentes au fur et à mesure que le récit se déroule. On commence par une séquence complètement contemporaine, avant de plonger dans une sorte de nostalgie bienheureuse mais menacée ; avant de plonger dans un futur apocalyptique mais qui reste familier.
Une belle découverte, si l’on excepte là toute fin, un peu cul-cul… même si c’est elle qui donne son sens au film et à son titre.
2013 – Royaume-Uni – 1h46
Elise a perdu son mari; Léo, 10 ans, son papa. La vie à deux a retrouvé son équilibre jusqu’à ce que Paul arrive dans cette relation. Mais finalement, le bouleverse-t-il ou l’enrichit-il ce « couple hors normes »?
Inspirée de l’expérience de la réalisatrice, Marilyne Canto -très bonne et très juste comédienne -, « Le sens de l’humour » est le prolongement d’un court-métrage, « Fais de beaux rêves » qu’elle avait réalisé il y a sept ans et qui traitait du deuil d’une femme après la mort brutale de son mari.
Ici, le deuil est plus ou moins consommé. Elise est à l’étape suivante, celle de (l’impossible?) reconstruction. Et c’est Paul qui en fait les frais.
Autant il est amoureux – même si on se demande bien pourquoi et comment il a été séduit, vu comment elle le malmène – autant elle est contradictoire appréciant l’amant, moins l’homme. « Elle n’est pas toujours aimable, mais elle est aimante », prétend la réalisatrice. Ah bon! Mais cela n’apparaît tellement pas à l’écran qu’il devient difficile de s’accrocher à cette histoire, comme le fait Paul.
Du coup, on regrette donc qu’Elise revendique tant son sens de l’humour (absent du film, d’ailleurs à moins que nous n’ayons pas le même) et si peu son sens de l’amour, qui lui fait singulièrement défaut ici. Dommage…
Au crédit de Marilyne Canto, toutefois, les lieux qu’elle a choisis de filmer et qui le sont très peu habituellement : le musée de l’Orangerie et la salle des Nymphéas de Monet, les grandes galeries du Louvre, le quartier autour de la rue de Charenton dans le XIe à Paris… Et le fait qu’elle n’ait pas cherché à lisser son personnage, froid, en lutte constante contre ses émotions. Mais, cela ne suffit pas.
2013 – France – 1h28
©Ivan Mathie
Si l’héroïne ne s’était pas appelée Veronica, jamais je serai allée voir ce film. Dommage! Car il vaut bien plus que le prénom de la jeune femme dont il dresse un portrait inédit.
Veronica aime baiser, à 2 ou à plusieurs. peu importe avec qui et peu importe le nombre. Elle aime aussi la mer, la plage de Recife où elle habite, son père avec qui elle vit, ses amies avec qui elle sort. Gustavo, aussi, qui a tout pour lui et serait prêt à faire sa vie avec elle. Pas elle.
Veronica vient d’obtenir son diplôme de psychologue et a trouvé un emploi dans un hôpital. Ce nouveau travail, ses responsabilités, la maladie de son père devraient la pousser à changer de vie. Mais, non, Veronica ne veut pas renoncer à sa liberté, à ses pulsions sexuelles, à son libertinage. Aimer, elle n’en est pas capable, mais baiser en revanche lui fait un bien fou…
Rarement, un tel sujet est abordé de cette manière, à la fois simple et frontale. Veronica n’a rien d’une fille volage, écervelée, légère. Elle est brillante, intellectuellement épanouie (elle réussit un examen très difficile et aura même une promotion rapide), un peu dépendante affective de son père qui l’a élevée seul et en manque de certains repères. Quoique…
Ce qu’elle fuit surtout et avant tout, ce ne sont même pas les responsabilités, mais plutôt l’engagement et les conventions sociales. Le sexe la rassure, calme ses angoisses alors que l’amour la mettrait en danger. Et ce qui est vraiment intéressant dans ce portrait tout en finesse de cette génération individualiste et libérée, c’est justement la rupture avec la tradition qui voudrait que sa démarche soit plus masculine que féminine.
Portée par Hermila Guedes, une actrice intrigante, qui parvient à se montrer aussi adulte qu’immature, aussi déterminée qu’incertaine, cette histoire simple met l’accent sur une évolution significative des moeurs sans jugement aucun mais avec la nécessaire remise en cause qu’elle provoque. Ici, aujourd’hui, ou à là-bas à Recife. Dans la société comme dans nos têtes.
2012 – Brésil/France – 1h32
© F-Gusmao